(Washington) Un «homme dur» mais «respecté» : Donald Trump a salué lundi l’action controversée du premier ministre hongrois Viktor Orban, reçu à la Maison-Blanche malgré de vives critiques à Washington, tant le dirigeant national-conservateur est accusé de saper la démocratie dans son pays.

«Vous avez fait du bon travail et vous avez garanti la sécurité de votre pays», a dit le président des États-Unis au début de leur rencontre dans le bureau Ovale.

«C’est un homme dur mais c’est un homme respecté», «partout en Europe», a-t-il ajouté, alors que Viktor Orban, connu pour ses positions eurosceptiques et sa critique des démocraties «libérales», agace les dirigeants européens jusque dans sa propre famille politique conservatrice.

Viktor Orban est «apparemment un peu controversé, comme moi, mais ce n’est pas grave», a poursuivi le dirigeant républicain.  

Donald Trump s’est attardé sur leur cheval de bataille commun, la lutte anti-immigration.

«Vous avez fait la bonne chose sur l’immigration, selon beaucoup de monde», a-t-il assuré. Il a estimé que les problèmes «terribles» auxquels l’Europe était confrontée en la matière étaient dus à des choix «différents» de ceux du chef du gouvernement hongrois – une allusion à peine voilée à la décision de la chancelière allemande Angela Merkel de laisser les frontières ouvertes aux réfugiés syriens en 2015.

Ce tête-à-tête avec le président américain, qui multiplie les piques contre l’Union européenne, offre une tribune de choix à Viktor Orban à moins de deux semaines d’élections européennes lors desquelles le camp souverainiste et populiste devrait réaliser une poussée.

L’annonce de cette visite est intervenue la semaine dernière le jour où le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo annulait un déplacement à Berlin pour rencontrer Angela Merkel. Une ironie du calendrier que de nombreux observateurs ont vue comme emblématique de l’évolution des relations transatlantiques depuis l’élection du milliardaire républicain, accusé de préférer les hommes forts, voire les autocrates, aux dirigeants des démocraties occidentales alliés traditionnels de Washington.

En septembre, le premier ministre hongrois, au pouvoir depuis 2010, avait qualifié Donald Trump d’«icône» pour le mouvement souverainiste, après le discours anti-«mondialiste» de ce dernier devant l’Assemblée générale de l’ONU.

Liens avec Moscou

Cette proximité idéologique, rare en Europe, a permis un réchauffement des relations alors que Viktor Orban s’était régulièrement vu reprocher par l’administration démocrate de Barack Obama des atteintes à la liberté de la presse, de la justice et de la société civile.

Plusieurs voix s’étaient d’ailleurs élevées pour dénoncer sa visite, la première d’un chef du gouvernement hongrois depuis 14 ans.

Il «n’a pas sa place dans le bureau Ovale», ont estimé Rob Berschinski, de l’organisation Human Rights First, et Hal Brands, de l’université Johns Hopkins.

«Non seulement car ce sera vu comme l’adoubement d’un dirigeant qui a démantelé avec succès une démocratie, mais aussi car cela confirme une stratégie absolument menaçante pour la sécurité transatlantique», ont-ils ajouté dans une tribune publiée par le quotidien Washington Post.

En cause, notamment, la proximité croissante entre la Hongrie, membre de l’OTAN, et la Russie.

Mike Pompeo avait d’ailleurs mis en garde Budapest contre ses liens avec Moscou lors d’une visite dans la capitale hongroise en février.

Plusieurs députés démocrates avaient même appelé dans une lettre le président Trump à renoncer à accueillir Viktor Orban en attendant qu’il remette «son pays sur le chemin de la démocratie et des droits humains».

Sans aller jusque-là, un groupe d’influents sénateurs démocrates mais aussi républicains a exhorté le locataire de la Maison-Blanche, dans un autre courrier, à soulever lors de ses entretiens avec le dirigeant hongrois «l’érosion» de la démocratie dans son pays.

«Viktor Orban sape la démocratie en Hongrie, comme Donald Trump le fait aux États-Unis. Le travail du président des États-Unis devrait être de défendre les valeurs démocratiques, pas de louer les dirigeants qui les rejettent», a protesté sur Twitter le candidat de gauche à la Maison-Blanche Bernie Sanders.

Prié de dire si la liberté de la presse et les droits humains seraient à l’ordre du jour de ce tête-à-tête, un haut responsable américain a éludé : «L’objet de cette rencontre est simplement de renforcer la relation stratégique entre pays alliés», «pas forcément de discuter de chaque sujet des relations bilatérales», a-t-il dit à des journalistes, assurant que ces dossiers avaient déjà été évoqués avec Budapest.