(Washington) Le nombre d’agressions sexuelles dans l’armée américaine a encore augmenté en 2018, une hausse qui a conduit le chef du Pentagone Patrick Shanahan à annoncer que le harcèlement sexuel serait dorénavant un crime pour la justice militaire.

Selon un rapport annuel du Pentagone, le nombre de cas d’agressions et de crimes sexuels porté à la connaissance des autorités militaires s’est établi à 7623, en hausse de 13% par rapport à 2017.

C’est toujours dans l’unité d’élite des Marines que le nombre de signalements a augmenté le plus nettement (+23%), tandis qu’il progressait de 16,6% dans l’armée de Terre, de 7% dans l’US Navy et de 4,3% dans l’armée de l’Air.

Mais un tiers seulement des cas d’agression sexuelle sont déclarés par les victimes, une proportion similaire aux années précédentes, précise ce rapport du bureau de prévention et de traitement des agressions sexuelles (SAPR) du département américain de la Défense, qui estime le nombre réel d’agressions sexuelles dans l’armée à 20 500, dont 13 000 femmes.

Pendant cette période, la proportion des femmes dans les forces armées a légèrement augmenté, passant de 16,3% fin 2017 à 16,6% fin décembre 2018.

Selon une autre mesure effectuée tous les deux ans, 6,2% des femmes en service actif ont déclaré avoir été victimes l’année précédente d’agressions sexuelles contre 4,3% en 2016. Pour les hommes la proportion n’a pas bougé depuis deux ans, à 0,7%.

«Pour parler franchement, nous ne répondons pas aux critères moraux que nous nous sommes fixés et à nos propres attentes», a jugé M. Shanahan dans un communiqué. «C’est inacceptable. Il est hors de question de reculer devant l’obstacle. Nous devons faire, et nous ferons, mieux que ça».

Le secrétaire à la Défense par intérim a donc chargé la justice militaire de faire du harcèlement sexuel un crime, au même titre que les agressions sexuelles.  

«Il faut comprendre»

«Nous criminaliserons certaines activités dans l’année qui vient pour refléter la gravité de certains comportements», avait-il indiqué la veille devant une commission parlementaire.

Le rapport montre aussi que les militaires les plus jeunes (17-24 ans) sont les plus susceptibles d’être à la fois victimes et auteurs d’agressions sexuelles, ce qui a surpris les responsables de l’étude.

«Il faut que nous comprenions […] ce qui se passe avec les 17-24 ans que nous ne prenons pas en compte» dans les programmes de prévention du Pentagone, a indiqué le directeur-adjoint du SAPR, Nate Galbreath.

«Je dirais qu’il y a eu d’énormes changements depuis 10 ans dans la façon dont les gens se rencontrent, principalement à cause des réseaux sociaux», a-t-il indiqué. «C’est une des choses que nous voulons étudier : voir quels risques pose l’usage des réseaux sociaux».

Un rapport séparé publié en début d’année montrait que le taux d’agressions sexuelles dans les académies militaires américaines a augmenté de près de 50% ces deux dernières années, en dépit des efforts officiels pour combattre le problème.

«Les chiffres sont choquants», a estimé le président de l’organisation Protect Our Defenders, Don Christensen.

«Le rapport publié aujourd’hui est la preuve indiscutable que la chaîne de commandement est totalement défaillante», a-t-il indiqué, pointant du doigt «des décennies de promesses non tenues de la hiérarchie militaire».

«Il est temps que le Congrès cesse d’accorder à la hiérarchie militaire le bénéfice du doute et qu’il approuve une vraie réforme qui donne des moyens aux procureurs militaires», a indiqué l’ex-colonel Christensen, ancien procureur en chef de l’US Air Force. «Ça suffit».