(New York) Le maire de New York Bill de Blasio y est allé d’au moins une exagération lundi dernier, Jour de la Terre, en annonçant un plan vert qui a réjoui François Legault et Hydro-Québec.

«Nous allons interdire les gratte-ciel de verre et d’acier, qui sont incroyablement énergivores», a-t-il déclaré lors d’une interview accordée à l’émission matinale de MSNBC, Morning Joe, dont l’auditoire est national.

«Ils n’ont plus de place dans notre ville ou sur la Terre», a-t-il ajouté plus tard lors d’une conférence de presse tenue sur la rive de Queens, avec le profil de Manhattan en toile de fond.

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Bill de Blasio

Le Green New Deal de Bill de Blasio, qui vise à faire de New York une ville neutre en carbone d’ici 2050, ne prévoit aucune interdiction aussi draconienne. Les gratte-ciel de verre et d’acier pourront continuer à être construits s’ils répondent à des critères énergétiques stricts.

Pourquoi cette exagération? Bill de Blasio est peut-être en proie à certains mirages, dont son élection à la présidence des États-Unis en 2020.

Lors de son interview à MSNBC, le maire de New York a indiqué qu’il annoncerait «bientôt» sa décision concernant une éventuelle candidature à la Maison-Blanche. En attendant, le démocrate de 57 ans donne l’impression d’être déjà en campagne. Quand il n’est pas en visite dans les États qui tiendront les premiers caucus et primaires de 2020 – Iowa, New Hampshire, Caroline du Sud et Nevada –, il dévoile de grands projets sur la santé et les changements climatiques, entre autres, qui pourraient selon lui être adoptés à l’échelle nationale.

Cela ne veut pas dire que son intention de négocier un contrat avec Hydro-Québec pour alimenter en électricité les installations de la Ville est un mirage. Mais Bill de Blasio n’est pas le seul politicien ambitieux à New York. Figurent parmi ceux-ci un certain Andrew Cuomo, gouverneur de l’État, qui ne s’est pas encore prononcé sur l’opportunité de conclure une telle entente qui nécessiterait la construction d’une ligne de haute tension – la Champlain Hudson Power Express –, sous terre et sous l’eau, sur une distance de plus de 500 kilomètres en territoire américain.

Or, Andrew Cuomo, tout démocrate soit-il, s’est souvent plu à contrecarrer les projets de Bill de Blasio. Et il pourrait récidiver dans ce cas-ci pour au moins deux raisons.

Primo, le gouverneur de New York a lui-même présenté au début de l’année un Green New Deal. Son plan engage son État à atteindre 100 % d’énergie propre d’ici 2040, soit cinq ans plus tôt que l’objectif adopté par Hawaii et la Californie. Son programme comprend des cibles ambitieuses en matière d’énergie éolienne en mer, d’énergie solaire, de stockage d’énergie, de réduction des émissions et d’efficacité énergétique. Mais il ne prévoit pas d’importation d’hydroélectricité canadienne comme celui de Bill de Blasio.

Deuzio, Andrew Cuomo hésitera peut-être à aider la cause «verte» d’un rival éventuel de son candidat présidentiel préféré. Après avoir lui-même été soupçonné de vouloir briguer la Maison-Blanche, le gouverneur a annoncé la semaine dernière son soutien à Joe Biden, mettant notamment à la disposition de l’ancien vice-président son important réseau de donateurs.

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Andrew Cuomo, gouverneur de l’État de New York.

«Je pense qu’il a les meilleures chances de défaire le président Trump, ce qui est l’objectif principal», a-t-il déclaré sur CNN.

Sous-estimé à New York

Bill de Blasio n’a pas dû s’étonner du choix d’Andrew Cuomo. En fait, il est habitué d’être sous-estimé à New York. Un exemple : pas moins de 76% des électeurs de sa propre ville estiment qu’il ne devrait pas se présenter à la présidence, selon un sondage de l’Université de Quinnipiac publié au début du mois.

La réaction du maire de New York face à ce manque flagrant d’enthousiasme par rapport à sa possible candidature? «Je suis heureux de pouvoir unifier les gens de la ville de New York», a-t-il ironisé.

Il faut dire que Bill de Blasio a raison de se moquer des sondages. Personne ne lui donnait la moindre chance d’être élu à la mairie de New York en 2013. 

Mais cet ancien conseiller municipal et médiateur de la Ville est devenu la coqueluche des progressistes de New York et du reste des États-Unis en promettant notamment de réduire les inégalités, de réformer la police et de déployer la maternelle 4 ans universelle. Tout cela en mettant de l’avant sa famille mixte de Brooklyn.

«Une insurrection populiste à New York», titrait The Nation, un magazine de gauche, en vantant la campagne de Bill de Blasio en août 2013.

Le maire a réalisé certaines de ses promesses les plus importantes. Mais, plus d’un an après sa réélection sans gloire, ce politicien souvent accusé d’arrogance n’est plus l’étoile progressiste qu’il était en 2013. Il s’est fait éclipser ces dernières années par les Elizabeth Warren, Bernie Sanders et Alexandria Ocasio-Cortez.

Dans ce contexte, Bill de Blasio a tout intérêt à se démarquer de ces progressistes au verbe haut en concluant une entente concrète avec Hydro-Québec. S’il y parvient, le courant québécois pourrait le rapprocher de la Maison-Blanche.

N’empêche, il est difficile de voir dans l’ambition présidentielle du maire de New York autre chose qu’un mirage, avec ou sans l’aide d’Hydro-Québec.