Un procureur texan vient d'annoncer qu'il n'engagera plus de procédures criminelles contre les personnes ayant volé « par nécessité » des biens de moins de 750 dollars.

John Creuzot, qui chapeaute le comté de Dallas, a déclenché une vive polémique en déclarant qu'il jugeait contreproductif de recourir aux tribunaux dans de telles circonstances.

« Une multitude d'études démontrent que l'arrestation, l'incarcération et la condamnation d'une personne ayant commis des crimes non violents par nécessité l'empêchent d'acquérir la stabilité nécessaire pour vivre une existence respectueuse des lois », a-t-il indiqué dans une lettre ouverte adressée à la population du comté.

Le procureur a précisé qu'il poursuivrait comme avant les personnes volant par appât du gain.

Le procureur a annoncé cette mesure comme l'un des éléments clés d'une réforme visant à « mettre un terme à l'incarcération de masse » dans le comté, tout en corrigeant des iniquités touchant notamment la population afro-américaine.

M. Creuzot a annoncé dans cette optique qu'il ne poursuivrait plus les personnes sans antécédent judiciaire arrêtées en possession de quantités minimes de marijuana, en excluant les cas où une arme meurtrière est utilisée.

Les poursuites contre des itinérants ou des personnes souffrant de maladie mentale pour des cas de violation de propriété (trespassing) seront aussi écartées, ce qui devrait permettre au comté d'économiser des millions de dollars qui pourraient servir à bonifier les services de soutien, a-t-il noté.

« Où est-ce que ça s'arrête ? »

L'annonce du procureur a suscité l'ire de plusieurs élus influents du Texas, dont le gouverneur républicain Greg Abbott, qui a assimilé la levée des poursuites pour les vols de moins de 750 dollars à une forme de « socialisme » et de « redistribution de la richesse par le vol ».

« Si quelqu'un a faim, il peut simplement voler de la nourriture. S'il a froid, voler un manteau. Où est-ce que ça s'arrête ? », a demandé sur Twitter le politicien, en soulignant que seul le Congrès texan avait la capacité de réformer les lois de l'État.

Le procureur du comté de Dallas a cherché à répondre rapidement à ces critiques en précisant que les dispositions de sa réforme relativement aux vols de biens de moins de 750 dollars ne pouvaient s'appliquer qu'aux « personnes pauvres et affamées qui volent pour manger, pour assurer leur survie ».

Son approche a aussi été critiquée par d'autres procureurs de l'État.

« Nous ne devrions pas faire savoir que nous n'allons pas poursuivre les gens pour certains crimes. Cette approche incite tacitement les criminels à bafouer la loi, ce qui nuit à tout le monde. »

- William James Dixon, procureur du comté de Navarro

L'Association des policiers de Dallas a souligné dans la même veine que les commerçants ciblés par des vols à l'étalage risquaient de se sentir obligés d'agir par eux-mêmes pour protéger leurs biens.

Le magazine Texas Monthly a rétorqué que l'incidence de la réforme sur le vol à l'étalage devrait s'avérer minime puisque nombre de commerces gèrent ce type de situation avec des firmes privées et ne requièrent pas l'intervention de la police et du système judiciaire.

Le procureur peut aussi compter sur l'appui d'une organisation non gouvernementale importante, Texas Organizing Project, qui a fait activement campagne pour son élection sur la base de ses promesses de réforme judiciaire.

La question de l'incarcération de masse est depuis longtemps un sujet controversé aux États-Unis et risque de devenir un enjeu majeur de la course à l'investiture démocrate.

Selon l'Institute for Criminal Policy Research, un centre de recherche basé à Londres, le taux d'incarcération du pays est le plus élevé de la planète, devant le Salvador, le Turkménistan et la Thaïlande.

IMAGE TIRÉE DU COMPTE TWITTER DE JOHN CREUZOT

« La criminalisation de la pauvreté est contreproductive pour la santé et la sécurité de notre communauté. » - John Creuzot