(NEW YORK) Pas une seule allusion à ses rivaux démocrates plus progressistes ou plus jeunes que lui. Mais une attaque frontale contre Donald Trump, celui qui a vu de « très bonnes gens des deux côtés » lors des événements violents survenus à Charlottesville, dans l’État de Virginie, en août 2017.

« Avec ces mots, le président a attribué une équivalence morale entre ceux qui propagent la haine et ceux qui s’y opposent. Et en cet instant, j’ai su que cette nation était menacée comme jamais je ne l’avais constaté auparavant au cours de ma vie », a déclaré l’ancien vice-président dans une vidéo de trois minutes et demie qui s’ouvre sur les images des manifestants racistes et néonazis défilant dans les rues de Charlottesville.

« Nous sommes dans une bataille pour l’âme du pays », a ajouté le candidat avant d’affirmer que l’histoire pourrait considérer les quatre années de Donald Trump à la présidence comme une « aberration ». 

« Si nous donnons à Donald Trump huit années à la Maison-Blanche, il changera à jamais l’identité de cette nation, ce que nous sommes. Et je ne peux pas rester passif et laisser cela arriver. » — Joe Biden 

PHOTO JESSICA GRIFFIN, AP

À l’évidence, Joe Biden ne correspond pas à l’image plus jeune, plus progressiste, plus féminine et plus diversifiée que les démocrates se sont donnée lors des élections de mi-mandat de 2018.

Meneur dans les sondages

En tête dans la plupart des sondages, Joe Biden est le 20candidat à entrer dans la course à l’investiture démocrate pour l’élection présidentielle de 2020. Son expérience, sa renommée et sa popularité auprès d’une partie importante de l’électorat démocrate constituent ses atouts. Figurent parmi ses faiblesses les plus criantes dans une course à l’investiture démocrate : son âge — 76 ans —, certaines de ses déclarations et positions passées, de même qu’un centrisme rappelant celui d’Hillary Clinton.

Le groupe progressiste Justice Democrats, qui a contribué à l’élection de la jeune représentante de New York Alexandria Ocasio-Cortez, a d’ailleurs assimilé hier Joe Biden à « la vieille garde » du Parti démocrate.

À l’évidence, Joe Biden ne correspond pas à l’image plus jeune, plus progressiste, plus féminine et plus diversifiée que les démocrates se sont donnée lors des élections de mi-mandat de 2018. Mais l’ancien bras droit de Barack Obama n’en demeure pas moins un candidat « redoutable », selon Mike Mikus, consultant démocrate de Pittsburgh, en Pennsylvanie, où Biden tiendra son premier rassemblement électoral la semaine prochaine.

« Les électeurs démocrates aiment l’idée d’un visage nouveau. Mais la question la plus importante pour eux aujourd’hui est de défaire Donald Trump. »

Lors d’une entrevue téléphonique, il évalue que « les électeurs seront beaucoup plus pragmatiques que la plupart des gens ne l’imaginent à ce stade-ci. Ils semblent être plus disposés à voter pour quelqu’un avec qui ils ne sont pas d’accord sur quelques questions, mais dont ils ont l’impression qu’il sera le candidat le plus fort face à Donald Trump ».

Railleries de Trump

Le président républicain a accueilli l’entrée en piste de Joe Biden en se moquant de son intelligence et de ses chances de remporter les primaires démocrates.

« Bienvenue dans la course, Joe l’endormi », a-t-il tweeté en reprenant un surnom dont il avait déjà affublé le démocrate. « J’espère seulement que tu es suffisamment intelligent, ce dont on doute depuis longtemps, pour remporter la campagne des primaires. Il y aura des coups bas, tu vas avoir affaire à des gens qui ont vraiment des idées folles et tordues. Mais si tu y parviens, je te verrai sur la ligne de départ ! »

Coups bas ou critiques légitimes, Joe Biden devra sans doute faire amende honorable pour certains épisodes de son passé. Hier, il s’est d’ailleurs excusé du traitement qu’il a réservé à Anita Hill en tant que président de la commission judiciaire du Sénat en 1991. L’ancien sénateur du Delaware avait refusé d’entendre le témoignage de femmes qui auraient pu corroborer les accusations de harcèlement sexuel formulées par l’avocate à l’encontre du futur juge de la Cour suprême Clarence Thomas.

Joe Biden aura également à répondre aux critiques d’Afro-Américains concernant son rôle dans l’adoption en 1994 d’une loi sur la criminalité ayant ouvert la voie à l’incarcération massive de Noirs.

Malgré tout, Christina Greer, politologue à l’Université Fordham de New York, croit que Joe Biden peut trouver une « voie » lui permettant de remporter l’investiture démocrate.

« Je pense qu’il y a un pourcentage important d’Américains qui aiment le fait qu’il a des racines parmi la classe ouvrière blanche et aussi qu’il a été très loyal envers le premier président noir. »

Deux poids, deux mesures ?

Pour autant, Christina Greer voit dans la troisième candidature de Joe Biden à la présidence la démonstration qu’il y a deux poids, deux mesures entre les hommes et les femmes en politique.

« L’idée qu’une femme de 76 ans ayant déjà brigué la présidence à deux reprises puisse se présenter une troisième fois serait impensable, et ce, même si elle avait été vice-présidente », a dit la politologue afro-américaine.

Après avoir souligné le retard dans les sondages de plusieurs candidates présidentielles de fort calibre, dont Kamala Harris, Elizabeth Warren et Amy Klobuchar, Christina Greer a ajouté : « Je pense qu’une forte proportion d’électeurs démocrates pensent que la façon de battre Donald Trump est de choisir un autre homme blanc plus âgé, ou au moins un autre homme blanc, comme la position [de tête] de Bernie [Sanders], Biden, Beto [O’Rourke] et [Pete] Buttigieg dans les sondages l’indique. »

Joe Biden en quelques dates

1942 : Naissance à Scranton, dans l’État de la Pennsylvanie

1972 : Élection au Sénat des États-Unis dans l’État du Delaware à l’âge de 29 ans ; un mois plus tard, mort dans un accident de voiture de sa première femme, Neilia Hunter, et de sa fille Naomi, 1 an

1977 : Mariage avec sa deuxième femme, Jill Jacobs, une éducatrice

1988 : Première campagne présidentielle ; avortée à la suite de son retrait de la course

2008 : Deuxième campagne présidentielle ; élection à la vice-présidence

2015 : Mort de son fils aîné, Beau Biden, atteint d’une tumeur au cerveau alors qu’il était procureur général du Delaware