(New York) Challenger inattendu de la campagne présidentielle 2016, Bernie Sanders est aujourd’hui en tête du peloton pour l’investiture démocrate, un pôle position précaire, mais qui pourrait diviser le camp démocrate face à Donald Trump.  

Le sénateur du Vermont, socialiste revendiqué qui avait été le trublion de la campagne 2016 en contestant le leadership d’Hillary Clinton, figure en tête des 18 candidats démocrates confirmés à ce jour.  

La quasi-totalité des récents sondages placent ce pourfendeur de Wall Street de 77 ans à la deuxième place, juste derrière un autre septuagénaire, l’ex-vice-président Joe Biden, qui lui tarde à confirmer sa candidature.  

Le sénateur partisan d’un système de santé étatique et de lourds impôts pour les riches - désormais lui-même millionnaire grâce au succès de ses livres - n’a pas à s’inquiéter pour le financement de sa campagne : il arrive actuellement en tête des collectes de fonds des candidats avec plus de 18 millions de dollars, dont 84 % sous forme de dons de moins de 200 dollars.

Applaudi sur Fox News

M. Sanders s’est même payé le luxe d’une prestation applaudie lundi sur la chaîne conservatrice Fox News, boudée par les candidats démocrates jusqu’ici.  

Cela lui a valu mardi soir l’attention de Donald Trump, spectateur assidu de la chaîne : « Je crois que ce sera Bernie le Fou contre Joe Biden l’Endormi en finale » de l’investiture démocrate, a tweeté le président américain.

Rien n’est moins sûr, estime cependant Ester Fuchs, professeure de sciences politiques à l’université Columbia, qui attribue la performance actuelle du doyen des candidats avant tout à sa notoriété.

Grâce à sa dynamique campagne 2016, Bernie Sanders a « un système en place […] qu’il a réussi à relancer » pour cette campagne 2020, souligne Mme Fuchs.  Et c’est sa notoriété nationale, établie en 2016, qui lui permet d’afficher « une grande réussite en matière de collecte de fonds par rapport aux autres candidats ».

Il peut également se targuer d’avoir tiré vers la gauche les démocrates, aujourd’hui nombreux à reprendre son message de couverture santé pour tous ou d’universités gratuites.  

Mais de jeunes candidats plus modérés, comme le maire de l’Indiana Pete Buttigieg, le Texan Beto O’Rourke ou la sénatrice californienne Kamala Harris, à mesure qu’ils se feront connaître nationalement, devraient « le botter hors de l’arène », pronostique-t-elle.

D’autant que les médias ne lui feront pas de cadeaux et ne manqueront pas de fouiller son passé, alors qu’il y a quatre ans, « on l’a laissé tranquille, car personne ne le prenait au sérieux ».  

« Never Bernie » ?

Si Bernie Sanders est bien placé pour l’instant, et si sa victoire à la primaire « ne serait pas complètement un choc », il est trop tôt pour parler de « meneur » de la course, estime pour sa part l’analyste Kyle Kondik, du Centre politique de l’Université de Virginie.

Pour lui, la question est de savoir si, lorsque le peloton se resserrera, Bernie Sanders réussira à rallier des soutiens au-delà de sa base.

« Je ne suis pas certain que le parti se rassemblerait autour de lui », dit M. Kondik.

D’autant que Bernie Sanders n’est pas un démocrate, mais un indépendant qui ne s’est enregistré comme démocrate que pour participer à la primaire, rappellent les deux analystes.

S’il se maintenait en tête de peloton, « il pourrait y avoir côté démocrate un mouvement “Never Bernie” » pour résister à son investiture, souligne M. Kondik.

Comme ce fut le cas contre Donald Trump chez les républicains en 2016, même si au final le milliardaire iconoclaste fut investi.

À l’inverse, si Bernie Sanders ne remportait pas l’investiture démocrate, « il n’est pas dit qu’il monterait au créneau pour soutenir le porte-drapeau » du parti, avance Mme Fuchs. Et de rappeler que certains démocrates en avaient voulu aux partisans de Sanders en 2016 de ne pas s’être mobilisés à fond pour Hillary Clinton.

Une chose est sûre : Bernie Sanders va faire, comme en 2016, de l’hostilité de certains à son égard un pilier de sa stratégie.

Dans un message d’appel à de nouvelles contributions mercredi, il dénonçait « les complots » d’un « establishment » déterminé à faire échouer sa « révolution politique ».