Vous songez à rouler au coeur de Manhattan à l'occasion de votre prochain week-end pascal à New York ? Il ne vous en coûtera pas un sou de plus cette année ou l'année prochaine. Mais préparez-vous à payer à partir de 2021.

La Grosse Pomme sera alors devenue la première ville des États-Unis à avoir mis en place un péage urbain pour décongestionner ses artères. Ainsi en ont décidé dimanche soir le gouverneur et les parlementaires de l'État de New York, donnant le feu vert à un plan qui permettra à la métropole américaine d'emboîter le pas de villes internationales comme Londres, Singapour et Stockholm.

Où ?

Le péage ne sera en vigueur que dans une partie de l'île de Manhattan, celle qui se trouve au sud de la 60e Rue jusqu'à Battery Park. Autrement dit, tous les véhicules - voitures ou camions - qui entreront dans l'arrondissement au sud de Central Park seront assujettis à une tarification à déterminer. On en dénombre environ 730 000 qui circulent dans cette zone chaque jour. Qui y circulent très lentement, faut-il préciser.

« La vitesse moyenne des voitures est de 7,5 km/h dans le centre de Manhattan », a dit à La Presse Samuel Schwartz, un expert du trafic routier mieux connu à New York sous le sobriquet de Gridlock Sam. « Cela a un coût important sur le plan tant économique qu'environnemental. »

Pourquoi ?

Mais ce ne sont pas les embouteillages qui ont fini par convaincre les élus de l'État de New York de transformer en réalité un projet qui remonte aux années du maire John Lindsay (1966-1973) et qu'un de ses successeurs, Michael Bloomberg, a tenté en vain de relancer en 2007. Ce ne sont pas non plus des préoccupations environnementales qui ont changé la donne. « C'est la crise des transports en commun, sous terre et à la surface, qui a enfin fait bouger les élus, estime Gridlock Sam. Contrairement à l'Europe, les arguments économiques sont plus porteurs aux États-Unis que les arguments écologiques. »

Le péage urbain doit permettre à l'État de New York de recueillir un milliard de dollars par année. Ce montant servira à sécuriser des obligations totalisant 15 milliards de dollars pour réaliser les travaux de réparation et d'amélioration dont le métro délabré de New York a un besoin criant.

D'une certaine façon, New York montre la voie aux villes nord-américaines, dont celles du Grand Montréal, qui veulent aussi demander aux automobilistes de contribuer davantage au financement du transport collectif. Les élus montréalais ont présenté un plan la semaine dernière pour financer le transport collectif en implantant un système de péage dans la région métropolitaine à partir de 2024.

Combien ?

La mesure adoptée par le Parlement de New York et promulguée par le gouverneur de l'État ne contient aucun détail concernant la tarification. Le montant que l'État veut recueillir par l'entremise du péage urbain - 1 milliard de dollars par année - permet cependant à un expert comme Samuel Schwartz d'extrapoler. Selon lui, il pourrait coûter aux automobilistes entre 12 et 14 dollars pour entrer dans le centre de Manhattan aux heures de pointe, et environ 25 $ pour les camions. Tarifs qui seraient appelés à chuter la nuit et la fin de semaine.

Gridlock Sam s'attend à ce que divers groupes réclament des exemptions au nom de New-Yorkais vivant à l'extérieur de Manhattan. « Les élus devront faire preuve de courage, a-t-il dit. Car plus il y aura d'exemptions, plus la tarification sera élevée pour les autres. » Pour le moment, il est entendu que les New-Yorkais gagnant moins de 60 000 $ par an pourront déduire le péage de leurs impôts.

Mais plusieurs automobilistes pourraient finir par être gagnants après la mise en place du péage urbain. « Ils économiseront de l'essence et du temps », a dit Samuel Schwartz.

Comment ?

Les tarifs seront collectés par un système de péage électronique, avec vignettes et caméras, semblable à celui mis en place pour les ponts et les tunnels qui relient Manhattan au reste de New York ou au New Jersey. Si les automobilistes n'ont pas de vignettes reliées au système de péage électronique E-ZPass, leur plaque sera captée par les caméras, et le montant du péage leur sera réclamé plus tard.

« Toute la technologie est éprouvée ; elle est utilisée aujourd'hui à New York », a déclaré au New York Times Bruce Schaller, qui avait été chargé par Michael Bloomberg de mettre en place un plan de décongestion pour Manhattan. « Cela va fonctionner comme nous l'avions prévu. »