Près d’un républicain sur deux aux États-Unis pense que le pays fonctionnerait mieux si le président disposait de pouvoirs accrus face au Congrès et aux tribunaux, et la procédure de destitution engagée contre Donald Trump risque de renforcer cette conviction dans les rangs du parti.

Une large majorité de démocrates estiment à l’inverse qu’il serait « trop risqué » de donner plus de latitude au chef d’État pour régler « directement » les problèmes existants.

Des données colligées récemment par le Pew Research Center témoignent de l’écart important séparant les militants des deux formations et mettent en relief l’impact de la partisanerie politique dans leur appréciation de la répartition des pouvoirs prévue par la Constitution.

« Nous faisons face à une situation dangereuse pour la démocratie américaine », prévient Richard Painter, un professeur de droit de l’Université du Minnesota qui s’inquiète de constater que le pouvoir effectif du président américain croît d’un mandat à l’autre depuis des décennies.

La perception qu’ont les Américains de cette question découle trop souvent, dit-il, du parti auquel ils adhèrent plutôt que d’une appréciation approfondie de l’équilibre prévue dans les textes fondateurs.

L’arrivée d’un président républicain à la tête du pays fait monter en flèche le pourcentage de membres du parti favorables à un élargissement de ses pouvoirs et chuter la part de démocrates qui souhaitent un tel scénario. L’élection d’un chef d’État démocrate a l’effet contraire.

Cette oscillation, note M. Painter, se reflète dans le fait que les deux grands partis tendent à vouloir renforcer le pouvoir du président lorsqu’il est issu de leurs rangs, favorisant une évolution en ce sens d’un mandat à l’autre.

C’est très difficile, quand le pouvoir change de mains, de renverser l’élargissement des pouvoirs présidentiels survenu dans le mandat précédent.

Richard Painter, professeur de droit de l’Université du Minnesota

Tant le républicain George W. Bush que le démocrate Barack Obama ont élargi les pouvoirs du chef d’État, en multipliant notamment le recours à des décrets, et Donald Trump poursuit dans le même sens, dit le professeur, très critique de l’occupant actuel de la Maison-Blanche.

« Je pense que la présidence aujourd’hui est plus puissante que ce qui était souhaité originalement par les rédacteurs de la Constitution », relève-t-il.

L’influence du financement

La structure du financement politique aux États-Unis a aussi une influence problématique, puisqu’elle confère un rôle central au président et lui permet de manœuvrer pour punir toute manifestation de dissidence interne, note M. Painter.

En cas de majorité dans les chambres du Congrès, les élus liés au parti du chef d’État tendent à entériner ses priorités sans trop de contestation, limitant l’impact de l’institution comme contre-pouvoir.

Le phénomène a moins d’impact si le parti opposé au président réussit à s’imposer au moins dans l’une des chambres, comme en témoigne le virage imposé à la Chambre des représentants par les démocrates depuis qu’ils en ont repris le contrôle aux élections de mi-mandat, en 2018.

Brian Kalt, un professeur de droit rattaché à l’Université d’État du Michigan, s’inquiète aussi de la concentration croissante des pouvoirs dans les mains du président et plaide pour un rééquilibrage.

« La situation se dégrade et va continuer de se dégrader en raison du clivage politique du pays », relève l’analyste, qui se montre aussi préoccupé par l’évolution du Congrès.

[Le Congrès] est devenu simplement un autre forum où les démocrates et les républicains s’affrontent.

Brian Kalt, professeur de droit rattaché à l’Université d’État du Michigan

Sensibilisation

Richard Painter souhaiterait que les candidats démocrates à l’élection présidentielle de 2020 affirment qu’ils chercheront à restreindre les pouvoirs liés à la fonction advenant une victoire, mais rien ne laisse présager qu’ils entendent agir en ce sens.

M. Kalt pense que des efforts de sensibilisation s’imposent par ailleurs pour faire en sorte que l’appartenance politique devienne moins déterminante dans l’attitude de la population envers les pouvoirs de la présidence.

Après l’élection de Donald Trump, en novembre 2016, le pourcentage de démocrates disant qu’il serait trop risqué d’accroître les pouvoirs du président a bondi de 21 points, passant de 66 à 87 %, selon le Pew Research Center. Ce chiffre est resté relativement inchangé jusqu’à l’été dernier.

L’organisation ne dispose pas de données reflétant l’évolution de la situation depuis le déclenchement de la procédure de destitution.

Chez les républicains, il a reculé à l’inverse de 16 points après l’élection et a enregistré une nouvelle chute de 20 points au cours de la dernière année pour s’établir à 51 % en juillet.