(New York) Gordon Sondland, ambassadeur des États-Unis auprès de l’Union européenne, a impliqué mercredi le président Donald Trump dans l’affaire ukrainienne

N’en déplaise à Donald Trump, qui affirme le contraire depuis le début de l’affaire ukrainienne, une « contrepartie » a été exigée de l’Ukraine en échange d’une aide militaire de 391 millions US destinée à ce pays et d’une invitation à la Maison-Blanche à son président.

« Tout le monde était au courant », a affirmé mercredi Gordon Sondland, ambassadeur des États-Unis auprès de l’Union européenne (UE), démolissant la plupart des arguments présentés jusque-là par la Maison-Blanche et ses alliés pour défendre le président dans ce scandale.

« Ce n’était pas un secret », a-t-il ajouté à propos de cette contrepartie nécessitant de la part de l’Ukraine l’annonce d’enquêtes sur des affaires impliquant des démocrates, dont Joe Biden, ancien vice-président et candidat à l’investiture démocrate pour l’élection présidentielle de 2020.

Très attendu, le témoignage de Gordon Sondland est sans contredit le plus explosif depuis le début des auditions publiques au Congrès en vue de déterminer si Donald Trump doit faire l’objet d’une procédure de destitution. Lorsque l’ambassadeur a dit et répété que « tout le monde était au courant », il faisait référence aux plus hauts responsables de l’administration Trump, y compris le vice-président Mike Pence, le secrétaire d’État Mike Pompeo, le chef de cabinet intérimaire de la Maison-Blanche Mick Mulvaney, le conseiller de la Maison-Blanche pour la sécurité nationale John Bolton et le secrétaire à l’Énergie Rick Perry.

Gordon Sondland a également mis en cause l’avocat personnel de Donald Trump, Rudolph Giuliani, qui agissait selon lui au nom du président et orchestrait la campagne de pression auprès de l’Ukraine.

« Le secrétaire Perry, l’ambassadeur [Kurt] Volker et moi avons travaillé avec M. Rudy Giuliani sur des questions touchant à l’Ukraine à la demande expresse du président des États-Unis. Nous ne voulions pas travailler avec M. Giuliani. En somme, nous avons joué la main qui nous a été distribuée. […] Nous avons donc suivi les ordres du président », a déclaré l’ambassadeur.

« Au cœur de la corruption »

Avant que les républicains puissent commencer leur interrogatoire de Gordon Sondland, les démocrates ont profité d’une pause pour souligner à trait rouge l’importance du témoignage de l’ambassadeur.

« Cela va au cœur de la question de la corruption, ou des autres crimes et délits potentiels », a déclaré le président de la commission du Renseignement de la Chambre des représentants, Adam Schiff, en évoquant des motifs justifiant la procédure de destitution prévue dans la Constitution américaine.

Nous avons également appris pour la première fois que la connaissance du stratagème était généralisée. Le secrétaire d’État Pompeo était au courant, de même que le chef de cabinet intérimaire Mulvaney et, bien sûr, au sommet, le président Trump.

Adam Schiff, élu démocrate

Adam Schiff a plus tard qualifié le témoignage de Gordon Sondland de « moment charnière » dans l’enquête en vue de destituer Donald Trump.

Pour autant, l’ambassadeur a tendu une perche aux républicains. Il a nié avoir eu une conversation avec le président Trump dans laquelle ce dernier a conditionné l’aide militaire à l’Ukraine à l’annonce d’enquêtes sur les démocrates. Il a précisé que cela ne l’avait pas empêché de conclure que le « donnant-donnant » exigé par Rudolph Giuliani faisait partie des demandes du président.

« En l’absence d’explication crédible pour [la suspension de l’aide militaire], je suis parvenu à la conclusion que la reprise de l’aide sécuritaire n’interviendrait pas tant qu’il n’y aurait pas une déclaration publique de l’Ukraine s’engageant à mener les enquêtes », a déclaré l’ambassadeur.

Le témoignage de Gordon Sondland était attendu en raison de ses liens particuliers avec Donald Trump. Contrairement à d’autres témoins, cet hôtelier multimillionnaire de l’Oregon n’est pas un diplomate de carrière ou un spécialiste de l’Ukraine. Il a été nommé au poste d’ambassadeur des États-Unis auprès de l’UE après avoir versé 1 million de dollars au comité organisateur de la cérémonie d’investiture du 45e président.

Contrairement à d’autres témoins, il a parlé directement à Donald Trump. Ce dernier lui a notamment fait comprendre qu’il devait travailler de concert avec son avocat personnel sur les questions touchant à l’Ukraine. « Parle à Rudy », lui a-t-il déclaré.

Réaction de Trump

Avant de s’envoler pour le Texas, et alors que Gordon Sondland témoignait encore, Donald Trump a lu devant un groupe de journalistes une déclaration que l’ambassadeur lui a attribuée après une conversation téléphonique. Son interlocuteur lui avait demandé ce qu’il attendait de l’Ukraine.

« Je ne veux rien. Je ne veux rien. Je ne veux aucune contrepartie. Dis [au président ukrainien Volodymyr] Zelensky de faire la bonne chose », a-t-il récité en lisant la déclaration qu’il avait retranscrite en majuscules au crayon Sharpie sur un bloc-notes d’Air Force One.

PHOTO JOSHUA LOTT, AGENCE FRANCE-PRESSE

« Je ne veux rien. Je ne veux rien. Je ne veux aucune contrepartie. Dis [au président ukrainien Volodymyr] Zelensky de faire la bonne chose », a récité le président Donald Trump mercredi en lisant une déclaration qu’il avait retranscrite en majuscules au crayon Sharpie sur un bloc-notes d’Air Force One.

La déclaration originale de Donald Trump à Gordon Sondland remonte au 9 septembre dernier. La veille, le président avait appris l’existence d’une plainte déposée contre lui par le lanceur d’alerte à l’origine de l’affaire ukrainienne.

Le chef de la Maison-Blanche s’est gardé de critiquer l’ambassadeur Sondland, même s’il s’est distancié de lui. « Je ne le connais pas très bien. Je ne lui ai pas beaucoup parlé. Ce n’est pas un homme que je connais bien. Il semble être un bon gars, cependant », a-t-il dit.

Les républicains de la commission du Renseignement de la Chambre ont insisté sur le fait que le président avait nié toute contrepartie entre les États-Unis et l’Ukraine lors de sa conversation du 9 septembre avec Gordon Sondland.

« Ce n’est pas “deux plus deux font quatre”, c’est zéro en quatre », a déclaré le représentant républicain de l’Ohio Jim Jordan en se moquant d’une des réponses fournies par Gordon Sondland durant son témoignage.

Montré du doigt par Gordon Sondland, Mike Pence a répondu de son côté par la voix de son chef de cabinet. Il a nié avoir eu une conversation avec l’ambassadeur ou le président ukrainien concernant les Biden ou une contrepartie nécessitant des enquêtes.

Cependant, le chef de cabinet de Mike Pence n’a pas nié la seule chose que Gordon Sondland a affirmée au sujet du vice-président, à savoir que ce dernier était au courant de la contrepartie réclamée par Rudolph Giuliani.

Deux autres responsables de l’administration Trump ont témoigné après Gordon Sondland.