(Washington) Après des semaines d’échanges tendus et parfois confus, Donald Trump a vanté mercredi sa bonne entente avec son homologue turc Recep Tayyip Erdogan, tout en restant évasif sur la Syrie un mois après l’offensive militaire d’Ankara.

« Je suis un grand fan du président », a lancé d’entrée le locataire de la Maison-Blanche en évitant soigneusement les sujets qui fâchent, tels que l’achat par la Turquie de systèmes de missiles antiaériens S-400 à la Russie. « Nous sommes amis depuis longtemps », a-t-il martelé.

La conférence de presse commune des deux dirigeants a donné lieu à une étrange scène lorsqu’un journaliste a demandé M. Erdogan ce qu’il avait pensé de la lettre que M. Trump lui avait adressée sur le dossier syrien et qui se concluait par ces mots : « Ne jouez pas au dur ! Ne faites pas l’idiot ! ». Le président turc n’a pas répondu directement à la question.

Le président turc ne s’est pas attardé sur le contenu de cette surprenante missive mais a affirmé qu’il avait profité de sa visite à Washington pour la rendre à son auteur.

Les deux dirigeants s’exprimaient après les premières auditions publiques au Congrès dans l’enquête en vue d’une éventuelle destitution de Donald Trump. Interrogé sur ces échanges qui ont tenu l’Amérique en haleine, M. Trump a assuré qu’il n’en avait pas regardé « une minute » car il était « trop occupé ».

Le milliardaire républicain s’enorgueillit de savoir négocier avec les dirigeants autoritaires. Mais ses tractations avec M. Erdogan au cours des semaines écoulées ont été pour le moins chaotiques.

Après l’annonce par M. Trump du retrait des troupes américaines déployées dans le nord-est de la Syrie, Ankara a lancé le 9 octobre une offensive militaire visant les forces kurdes, alliées de la Coalition internationale dans la lutte contre les djihadistes.  

Fortement critiqué, y compris dans son propre camp, il a ensuite durci le ton, menacé de « détruire » l’économie turque et autorisé des sanctions contre la Turquie, qui ont été levées après un accord conclu mi-octobre.  

Erdogan réplique à Macron

« Le cessez-le feu continue à tenir », s’est félicité M. Trump, restant muet sur les critiques selon lesquelles il a, par son retrait précipité, abandonné les forces kurdes qui ont pourtant joué un rôle-clé sur le terrain dans la lutte contre les djihadistes.

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Des manifestants anti-Erdogan et pro-Kurdes se sont rassemblés mercredi devant la Maison-Blanche.

Les atermoiements de M. Trump et l’offensive turque ont aussi suscité de vives tensions au sein de l’Alliance atlantique — dont la Turquie est membre — qui redoute une résurgence du groupe État islamique.

Le président français Emmanuel Macron a déploré en termes très vifs l’absence totale de coordination avec les États-Unis sur ce dossier.

Dénonçant, dans un entretien à l’hebdomadaire The Economist, « une agression » menée par la Turquie, « dans une zone où nos intérêts sont en jeu », il avait jugé que l’OTAN était en état de « mort cérébrale ».

Dans une pique au président français, M. Trump s’est fait l’écho du mécontentement de la Turquie.

« Je pense que le président (turc) n’a vraiment pas apprécié (..) et je pense que beaucoup d’autres gens ont eu la même réaction », a-t-il déclaré. « Inacceptable », a simplement ajouté M. Erdogan dont les propos étaient traduits par un interprète.

Une nouvelle fois, le président américain a appelé les pays européens — France et Allemagne en tête — à rapatrier leurs ressortissants figurant parmi les djihadistes du groupe État islamique détenus en Syrie.

« Ces pays devraient nous aider », a-t-il martelé.

Une réunion doit rassembler jeudi à Washington les ministres de la coalition internationale antidjihadiste. Elle avait été demandée en urgence par le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian après l’annonce du retrait des soldats américains.

M. Erdogan a profité de l’occasion pour exprimer son mécontentement après le vote, fin octobre, d’un texte par la Chambre des représentants des États-Unis, qualifiant de « génocide » le massacre de centaines de milliers d’Arméniens par l’Empire ottoman, un terme que la Turquie rejette.

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Le locataire de la Maison-Blanche s’enorgueillit de savoir négocier avec les dirigeants autoritaires.

Affirmant que cette initiative avait « profondément blessé la nation turque », il a estimé que cela risquait de nuire aux relations entre Ankara et Washington.