(Washington) Il s’était targué de redonner aux diplomates américains le « swagger », cette fierté un rien fanfaronne de ceux qui appartiennent à l’élite mondiale. Mais leur chef Mike Pompeo est aujourd’hui accusé d’avoir laissé tomber ses employés dans l’affaire ukrainienne qui accable Donald Trump.

Pilier du trumpisme, le secrétaire d’État américain était déjà fragilisé par l’objet même de la procédure lancée par les parlementaires démocrates en vue d’une destitution du président des États-Unis : un possible chantage pour pousser l’Ukraine à enquêter sur un rival politique du milliardaire républicain.

Les critiques se portent aussi à présent sur l’attitude de Mike Pompeo au département d’État, confortées par la publication, lundi, des premières transcriptions d’auditions réalisées dans le cadre de l’enquête parlementaire.

En cause : l’absence de soutien apporté à l’ex-ambassadrice des États-Unis à Kiev, Marie Yovanovitch, lorsqu’elle a été sommée de quitter son poste au printemps après une « campagne » menée contre elle par l’avocat personnel de Donald Trump, Rudy Giuliani. Puis quand le président américain, dans son appel de juillet avec son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky, a étrillé l’ambassadrice avant de lâcher, menaçant : « Il va lui arriver des choses ».

Quand le contenu de cette conversation est dévoilé fin septembre, Michael McKinley fait part de son trouble à Mike Pompeo, dont il est alors conseiller spécial.

« Il m’a écouté, c’est tout », a rapporté à la Chambre des représentants ce diplomate chevronné. Il plaide pour que le département d’État « publie immédiatement un communiqué de soutien » au « professionnalisme et au courage » de l’ambassadrice déchue. « Pour montrer aux diplomates de carrière que nous respectons le professionnalisme », avance-t-il.

« Soutien » et « respect »

Le secrétaire d’État, selon son récit, ne répond pas, et finit par charger sa porte-parole de l’inciter à « laisser tomber ».

Cette attitude pousse le conseiller à la démission. « Après 37 ans de carrière diplomatique », « je ne peux plus détourner le regard quand on refuse à des collègues le soutien professionnel et le respect qu’ils méritent », a-t-il dit aux élus démocrates.

John Sullivan, le numéro deux de la diplomatie américaine, a ajouté à l’embarras en reconnaissant au Sénat avoir su dès le printemps que Rudy Giuliani menait une « campagne » sans fondement « contre » l’ambassadrice, même s’il a assuré que Mike Pompeo avait tenté de résister aux pressions contre elle.

L’intéressée n’a toutefois pas eu droit au moindre mot de la part de son patron. Le secrétaire d’État lui a juste fait dire « qu’il avait essayé » de la « protéger, mais qu’il n’était plus en mesure de le faire », a-t-elle expliqué aux élus.

Au-delà du sort de Marie Yovanovitch, les employés du « State Department » sont aussi choqués par les révélations sur la latitude laissée à Rudy Giuliani pour mener une diplomatie parallèle auprès de l’Ukraine.

On est loin du fameux « swagger » promis par Mike Pompeo lors de son arrivée au printemps 2018 à la tête d’un ministère des Affaires étrangères démoralisé – déjà – par la gestion de son prédécesseur Rex Tillerson.

Pas sur la photo

Même l’ambassadeur des États-Unis auprès de l’Union européenne Gordon Sondland, un soutien de Donald Trump dont le rôle reste controversé, a fait mine de s’offusquer, lors de son audition, de « l’ordre du président d’impliquer M. Giuliani ».

Résultat : toute l’action de Mike Pompeo est parasitée par l’affaire ukrainienne.

Lors des multiples entretiens qu’il accorde à des médias conservateurs ou locaux, d’ordinaire plutôt complaisants, il est désormais bombardé de questions sur ce dossier. Sans dissimuler son agacement, il affiche sa loyauté au locataire de la Maison-Blanche et tente d’éluder les soupçons de déloyauté à l’égard de ses employés.

Mais celui qui a acquis un poids incontestable dans la mise en œuvre de la politique étrangère de Donald Trump apparaît soudainement en retrait.

À Ankara, c’est sous la houlette du vice-président Mike Pence qu’il a participé aux négociations sur la nouvelle crise syrienne qui vaut à l’administration Trump d’être vilipendée par son propre camp républicain. Sur les images, il est relégué au second plan.

Sur une autre photo, plus symbolique, il est carrément absent : celle de la « Situation Room » de la Maison-Blanche lorsque Donald Trump et son équipe de sécurité nationale assistent en direct à la mort du chef djihadiste Abou Bakr al-Baghdadi, en Syrie. « J’aurais adoré être là », a-t-il reconnu.

Mais où était-il ? Au Kansas, son fief où il enchaîne les déplacements, alimentant les rumeurs sur un départ prochain du gouvernement pour briguer un poste de sénateur en 2020.

À tel point qu’il est aussi accusé par certains démocrates d’utiliser les finances publiques à des fins électorales personnelles.