La décision unanime du conseil municipal vise à désengorger le centre-ville, à réduire les collisions et à augmenter l’efficacité des transports actifs et collectifs

Finies les voitures

La Ville de San Francisco vient de prendre une mesure draconienne pour désengorger son centre-ville : interdire la circulation automobile dans la rue Market, la plus achalandée de la ville californienne. « Market Street est au cœur de notre ville, et nous devons en faire un lieu plus sûr, plus convivial et plus vivant pour nos résidants, travailleurs et visiteurs », a déclaré London Breed, mairesse de San Francisco, la semaine dernière. « L’an dernier, 123 personnes ont été blessées par des véhicules dans cette rue. Ce projet est essentiel pour atteindre nos objectifs de Vision zéro et assurer à chacun de se sentir en sécurité dans notre rue la plus fréquentée. »

PHOTO JEFF CHIU, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

London Breed, mairesse de San Francisco

Trottoirs plus larges

La nouvelle configuration de la rue Market prévoit deux voies réservées au tramway, deux voies réservées aux autobus municipaux, en plus d’élargir les trottoirs, actuellement utilisés par plus de 500 000 personnes par jour. La piste cyclable actuelle sera élargie : on y constate une hausse de 70 % du nombre de cyclistes depuis cinq ans. Les véhicules d’urgence, les véhicules de livraison et les taxis pourront continuer d’emprunter la rue, mais pas les véhicules travaillant pour le compte d’Uber ou de Lyft. Les automobilistes qui empruntent des rues transversales pourront continuer de traverser la rue Market aux intersections.

Artère accidentogène

La rue Market était considérée comme l’un des axes les plus dangereux pour les citoyens : elle faisait partie de 13 % des rues où se produisent 75 % des collisions faisant des morts ou des blessés graves à San Francisco. « Personne n’était content de la façon dont les choses se passaient rue Market, alors le statu quo n’était pas envisageable », explique en entrevue Brian Wiedenmeier, directeur général de l’organisme San Francisco Bike Coalition, qui a fait pression pour faire adopter le projet. « Les piétons, les cyclistes, les usagers des transports collectifs, et même les automobilistes, n’aimaient pas se déplacer dans la rue Market. Il fallait que ça change. »

10 ans d’efforts

PHOTO KELLEY L. COX, USA TODAY SPORTS

Market Street au lendemain de la victoire des Giants de San Francisco à la Série mondiale de baseball

Brian Wiedenmeier note qu’il a fallu 10 ans au projet pour arriver à rallier tant les commerçants que les citoyens et les élus municipaux. « Ce n’est pas arrivé du jour au lendemain, nous avons travaillé fort. Ultimement, les commerçants ont réalisé qu’améliorer l’expérience des piétons et des cyclistes se traduirait par une hausse de la clientèle dans leur boutique et par une hausse du sentiment de sécurité dans le quartier. On a l’impression que l’ère où les rues étaient d’abord pensées en fonction des voitures arrive à sa fin », dit-il, ajoutant que les premières phases d’implantation du projet débuteront dès janvier 2020.

New York combat les bouchons

San Francisco n’est pas la seule grande ville américaine à adopter des mesures jusqu’ici surtout vues en Europe : New York vient de lancer un projet pilote interdisant le passage des voitures dans la 14e Rue, artère majeure de Manhattan. La rue est désormais réservée aux autobus municipaux, qui ont vu leurs temps de déplacement diminuer de manière si remarquée que les chauffeurs sont souvent en avance sur l’horaire et doivent volontairement patienter plus longtemps aux arrêts. À New York, bien des gens prédisaient que la congestion automobile allait tout simplement se déplacer dans les rues avoisinantes à la 14e. Or, cela ne s’est pas produit : ces rues n’ont enregistré essentiellement aucun changement de l’achalandage, selon la firme INRIX. New York songe à étendre le programme à d’autres rues congestionnées de Manhattan.

Et Montréal ?

À Montréal, les rues de l’arrondissement de Ville-Marie demeurent largement consacrées aux automobiles, qui représentent 28 % des déplacements au centre-ville, alors que 64 % des déplacements y sont faits en transports collectifs, 5 % à pied et 3 % à vélo. L’idée de réserver la rue Sainte-Catherine aux transports collectifs et actifs n’a pas été retenue par l’administration Plante, qui continuera d’y autoriser les déplacements en voiture sur une seule voie, tandis que les cases de stationnement sur rue seront retirées. Du côté du Vieux-Montréal, une quinzaine d’organismes ont lancé plus tôt cette année une pétition afin que seuls les résidants du quartier et les camions de livraison soient autorisés à circuler en voiture dans le quartier historique. Plus de 1250 personnes ont signé la pétition jusqu’ici. La mairesse Valérie Plante s’est dite ouverte « à long terme » à la création de quartiers réservés aux transports actifs et collectifs, mais aucun projet n’a été rendu public jusqu’ici.