(Washington) Le succès militaire est une victoire politique pour Donald Trump. L’élimination du chef du groupe État islamique Abou Bakr al-Baghdadi constitue une bouffée d’oxygène pour un président déstabilisé par une procédure de destitution et violemment critiqué pour le retrait des troupes américaines de Syrie.

« C’est un grand jour pour notre pays », la plus grande victoire « que l’on puisse avoir ». En annonçant dimanche matin la mort du chef djihadiste, le milliardaire républicain n’a pas, comme à son habitude, lésiné sur les superlatifs.

L’opération militaire, telle que décrite par les responsables américains, a été un succès remarquable en termes de renseignement, de coopération avec les autres puissances impliquées dans le conflit syrien, et d’exécution par un commando de forces spéciales héliportées.

Mais pour Donald Trump, il était aussi urgent politiquement de sortir de la spirale des dernières semaines.

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En annonçant dimanche matin la mort du chef djihadiste, le milliardaire républicain n’a pas, comme à son habitude, lésiné sur les superlatifs.

L’opposition démocrate est déterminée à faire avancer la procédure de destitution contre le président, et la solidarité des républicains a semblé tanguer après ses décisions sur la Syrie, vues comme un lâchage des Kurdes qui ont été des alliés indispensables dans le combat contre le groupe EI.

Dès dimanche matin, c’est le sénateur Lindsey Graham qui donné le ton et battu le rappel des républicains.  

« C’est le moment où les critiques les plus sévères du président Trump devraient dire : “Bien joué” », a-t-il dit dimanche matin juste après l’allocution présidentielle.

« Ce que je vois se produire en Syrie fait sens pour moi. Maintenant je comprends ce que le président veut faire », a-t-il assuré.

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« Ce que je vois se produire en Syrie fait sens pour moi. Maintenant je comprends ce que le président veut faire », a assuré le sénateur Lindsey Graham.

Le 7 octobre, il avait pourtant dénoncé un choix « porteur de désastre » au lendemain de la décision de retrait des troupes et de l’annonce d’une offensive turque imminente.

Cette opération, qui a pris fin à la faveur d’un cessez-le-feu négocié par les Américains, a permis aux Turcs de repousser les Kurdes au-delà d’une zone de sécurité d’une trentaine de kilomètres.

Pour le chef de la majorité républicaine au Sénat, Mitch McConnell, la politique de Trump sur la Syrie était il y a quelques jours un « cauchemar stratégique ». Il a loué dimanche « le leadership » du milliardaire républicain.

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Mitch McConnell a loué dimanche « le leadership » du milliardaire républicain.

Rempart républicain

Les républicains semblent donc prêts à serrer les rangs derrière le président, au moment où il en a le plus besoin.

Car, de leur côté, les démocrates disent progresser à grands pas dans leur enquête en vue de la destitution du président. Diplomates et hauts fonctionnaires se sont succédé lors d’auditions à huis clos à la Chambre de représentants qui, selon eux, nourrissent les soupçons d’un abus de pouvoir de Donald Trump.

Le locataire de la Maison-Blanche est accusé d’avoir tenté de forcer la main de son homologue ukrainien pour qu’il ouvre une enquête sur Joe Biden, l’un de ses principaux rivaux pour l’élection de 2020. Le fils de ce dernier siégeait au Conseil d’administration d’une société ukrainienne.

La Chambre des représentants, à majorité démocrate, est déterminée à parvenir à une mise en accusation (« impeachment ») de Donald Trump. Son destin serait alors entre les mains du Sénat, à majorité républicaine, qui devrait ensuite décider s’il convient de le destituer.

Pour le président américain, la politique intérieure n’est jamais très loin. Tout comme la façon dont il se compare à son prédécesseur Barack Obama.

Pour lui, nul doute que l’élimination d’Abou Bakr Al-Baghdadi, est d’une dimension supérieure à celle d’Oussama ben Laden, approuvée en 2011 par le président démocrate.

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Pour lui, nul doute que l’élimination d’Abou Bakr Al-Baghdadi, est d’une dimension supérieure à celle d’Oussama ben Laden, approuvée en 2011 par le président démocrate.

« Oussama Ben laden, c’était important, mais Oussama Ben laden est devenu Oussama ben Laden avec le World Trade Center. (Baghdadi) est un homme qui a construit quelque chose, comme il aimait le dire, un pays », a déclaré Donald Trump.

En 2011, sur Twitter, il avait appelé à cesser de féliciter Barack Obama, affirmant que le mérite de l’opération ne revenait pas au président, mais à l’armée américaine.

Tout à son succès, Donald Trump a tenu dimanche à égratigner d’autres sceptiques de son action en Syrie, les Européens, à qui il reproche de ne pas vouloir rapatrier leurs ressortissants partis combattre dans les rangs de l’EI.

« Je vais les déposer à vos frontières et vous pourrez vous amuser pour les rattraper », a-t-il attaqué. « Ils ne peuvent pas marcher jusqu’à nous. Il y a beaucoup d’eau entre eux et notre pays ».