(Washington) Ils détiennent la clé de l’avenir politique de Donald Trump, menacé par une procédure de destitution : malgré de (très) rares voix critiques, les sénateurs républicains semblent encore garantir la survie du président américain. Mais leur soutien se fait cette fois plutôt discret, parfois même embarrassé.

C’est en visite dans leurs circonscriptions que les sénateurs, en pleines vacances parlementaires, ont été surpris par les derniers rebondissements en date de l’affaire ukrainienne, qui a précipité l’ouverture par les démocrates de cette procédure explosive.  

« Vous restez là, silencieuse, et votre silence le soutient », a lancé, sous les applaudissements, une électrice à la sénatrice républicaine Joni Ernst lors d’une réunion publique, jeudi dans son État de l’Iowa.

« Je ne peux pas parler pour lui », a répondu la sénatrice, assise, l’air grave. « Mais vous pouvez parler pour vous-même », l’interrompt la jeune femme, sur une vidéo du Washington Post. « Quand allez-vous dire “Assez” ? »

Plongé dans la tourmente, car les démocrates le soupçonnent d’avoir fait pression sur le président ukrainien pour qu’il enquête sur Joe Biden, son possible rival à la présidentielle en 2020, Donald Trump avait un peu plus tôt, suggéré, provocateur, que la Chine enquête à son tour sur l’ancien vice-président américain.  

Interrogée par l’électrice sur cette déclaration-choc, la sénatrice Ernst a détourné la conversation avec une allusion aux allégations – jusqu’ici non étayées – de corruption en Chine et en Ukraine que répète à l’envi le président contre la famille Biden.  

« La corruption, peu importe où elle se passe, doit être combattue partout ».  

Une ligne de contre-offensive largement reprise par les républicains, qui utilisent parfois les mêmes éléments de langage dans leurs réponses ces derniers jours.  

Mais lorsqu’il s’agit de défendre fermement le président américain, les commentaires se font plus évasifs.  

Fidèle allié du milliardaire aux salves souvent spectaculaires pour le défendre, le sénateur Lindsey Graham a déclaré jeudi au Washington Post qu’il ne soutenait pas la demande d’aide à la Chine de M. Trump.  

« Le président se défend », a-t-il poursuivi plutôt timidement. « Il sent que tout le monde cherche à l’avoir tout le temps alors qu’il n’a rien fait de mal ».

Trump met en garde

Dans une procédure de destitution aux États-Unis, la Chambre des représentants doit d’abord voter une mise en accusation (« impeachment »), avant que le Sénat ne mène le « procès » sur la base de cette « inculpation ».

Compte tenu de la solide majorité démocrate à la Chambre, Donald Trump a reconnu publiquement vendredi qu’il risquait bien d’être mis en accusation… Puis il a lancé une menace à peine voilée aux sénateurs républicains qui seraient tentés de faire défection.  

« J’ai un taux de popularité de 95 % au sein du parti républicain », a-t-il souligné, alors que plusieurs joueront leur réélection en 2020. Or l’ire du président aux 65 millions d’abonnés sur Twitter est restée gravée dans la mémoire de plus d’un ex-candidat républicain vaincu après avoir été la cible de ses critiques.

Des voix, pourtant, se risquent à le défier.  

« L’appel éhonté et inédit du président à la Chine et à l’Ukraine pour qu’elles enquêtent sur Joe Biden est condamnable et épouvantable », a tonné l’ex-candidat républicain à la présidentielle Mitt Romney, élu au Sénat avec une large majorité en 2018.

Prenant plus de risques, car il jouera lui son siège en 2020, Ben Sasse, autre sénateur républicain régulièrement critique de l’homme d’affaires, est aussi entré dans l’arène :

« Attendez un peu : les Américains ne cherchent pas la vérité auprès des cocos (communistes, NDLR) chinois », a-t-il lancé dans les pages du Omaha World-Herald.  

Mais pour que le milliardaire new-yorkais soit destitué, les démocrates devraient convaincre au moins 20 sénateurs républicains de voter avec eux, sans aucune défection de leur côté. Une éventualité qui apparaît encore très improbable.  

Habile stratège, le chef de la majorité républicaine au Sénat Mitch McConnell s’est en tout cas saisi de cette perspective pour se poser en rempart protégeant Donald Trump… et jouer sur sa popularité pour appeler aux dons afin de financer sa propre campagne de réélection.  

« Vous connaissez tous votre Constitution. La façon d’arrêter l’“impeachment”, c’est avec une majorité républicaine, et moi comme chef de la majorité », a-t-il lancé dans un spot publié sur Facebook jeudi. « Mais j’ai besoin de votre aide. Merci de contribuer avant la date limite ».