(Washington) La Cour suprême des États-Unis a accepté vendredi d’examiner une loi de Louisiane accusée de restreindre l’accès à l’avortement, dans un dossier ultra-sensible qui aura valeur de test pour les nouveaux juges nommés par le président républicain Donald Trump.

Les neuf sages vont examiner sur le fond une loi, adoptée en 2014 dans cet État conservateur du Sud, dont ils avaient bloqué l’entrée en vigueur in extremis l’hiver dernier.  

Le texte prévoit d’imposer aux médecins volontaires pour pratiquer des interruptions volontaires de grossesse (IVG) d’avoir une autorisation d’exercer dans un hôpital situé à moins de 50 kilomètres du lieu de l’opération.

Selon les défenseurs du droit à l’avortement, ces conditions sont trop drastiques et seul un médecin et une clinique pourront continuer à pratiquer des IVG dans tout l’État. Un nombre insuffisant, ont-ils plaidé, pour les quelque 10 000 avortements pratiqués chaque année.

La Louisiane a justifié cette mesure en évoquant les risques de complication et la nécessité, en cas de problème, de pouvoir transférer les patientes dans des hôpitaux voisins.

Après des années de procédure, une cour d’appel avait autorisé la loi à entrer en vigueur en février.  

Ses opposants avaient alors saisi la Cour suprême en urgence et, à la veille de l’échéance, cette dernière avait bloqué l’application de la loi à une très courte majorité (cinq juges sur neuf) sans se prononcer sur le fond.

C’est donc logiquement que les neuf sages ont annoncé vendredi qu’ils allaient l’examiner au cours de la session 2019-2020. L’audience pourrait avoir lieu en janvier avec une décision au printemps, en pleine campagne pour la présidentielle de 2020.

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Les neuf juges de la Cour suprême des États-Unis en novembre 2018

Le juge en chef scruté

« L’accès à l’avortement ne tient qu’à un fil dans ce pays et ce cas pourrait le casser », a commenté Alexis McGill, qui préside l’organisation de planification familiale Planned Parenthood.

« Nous encourageons la Cour suprême à revenir sur sa décision », a pour sa part déclaré l’une des auteurs de la loi de Louisiane, l’élue Katrina Jackson.  

« L’avortement présente des risques médicaux connus et les femmes de cet État qui sont forcées à avorter méritent d’avoir la même qualité de soins que pour les autres interventions chirurgicales », a-t-elle ajouté dans un communiqué publié par l’organisation de lutte contre l’avortement Louisiana Right to Life.

La décision permettra d’évaluer si le temple du droit américain a changé de position sur l’avortement depuis l’élection de Donald Trump.

Il y a trois ans, la Cour avait en effet jugé illégale une loi similaire adoptée au Texas.

« Si l’État de Droit veut dire quelque chose, la Cour suprême ne peut pas laisser une juridiction inférieure piétiner sa jurisprudence », a indiqué Jennifer Dalven, de la puissante organisation de défense des droits civiques ACLU.

Depuis, le président républicain, qui avait promis pendant sa campagne de ne nommer à la Cour que des magistrats opposés à l’avortement, y a fait entrer Neil Gorsuch et Brett Kavanaugh.

En février, les deux hommes ont pris partie pour l’entrée en vigueur de la loi de Louisiane. Celle-ci a été bloquée parce que le président de la Cour John Roberts, un conservateur qui avait soutenu la loi texane, s’était cette fois rallié à ses quatre collègues progressistes.  

Partisans et opposants du droit à l’avortement se demandent s’il tiendra cette position lors de l’examen de fond.