À quelques semaines de l’ouverture de son procès, le fabricant de l’OxyContin est parvenu à une entente provisoire avec des représentants des plaignants. Le règlement s’élèverait à plusieurs milliards de dollars. Mais déjà, des procureurs généraux ont dénoncé la proposition de Purdue Pharma.

La société pharmaceutique doit comparaître le 21 octobre en Ohio, poursuivie par près de la moitié des États américains et plus de 2000 communautés pour son rôle dans la crise des opioïdes. L’accusation : avoir commercialisé agressivement l’antidouleur OxyContin, tout en minimisant ses risques de dépendance.

L’entente provisoire, qui aurait été rejetée par environ la moitié des plaignants, prévoirait une faillite structurée de Purdue. Une nouvelle fiducie, qui continuerait de vendre les médicaments, paierait les plaignants avec les ventes. Le règlement atteindrait 12 milliards de dollars, dont 3 milliards proviendraient de la famille Sackler, à sa tête.

Daniel Skinner, professeur de l’Université de l’Ohio spécialisé dans les politiques publiques de santé et auteur d’un livre sur la crise, Not Far from Me : Stories of Opioids and Ohio, trouve que les dirigeants s’en sortent à peu de frais. Les Sackler sont soupçonnés d’avoir transféré de l’argent à l’extérieur de l’entreprise pour protéger leurs actifs. Plusieurs États américains poursuivent d’ailleurs des membres de la famille.

Chaque dollar va aider les communautés, mais ce n’est pas suffisant. La famille [Sackler] devrait contribuer davantage et être en faillite. Mais s’ils les poussent trop, les plaignants pourraient ne rien obtenir.

Le professeur Daniel Skinner, en entrevue téléphonique avec La Presse

Depuis des semaines, les rumeurs allaient bon train sur une possible décision de Purdue de se placer sous la protection de la loi sur la faillite.

Acceptable pour certains, une gifle pour d’autres

Si l’entente a été jugée acceptable par les uns, elle a été accueillie comme une gifle par d’autres. Le Connecticut, le Massachusetts, New York, la Pennsylvanie et le Wisconsin, notamment, rejettent la proposition.

« La portée et l’ampleur de la douleur, de la mort et de la destruction que Purdue et les Sackler ont causées excèdent tout ce qui nous a été offert jusqu’à maintenant », a fait savoir par communiqué William Tong, procureur général du Connecticut, où l’entreprise a son siège social.

L’entente de Purdue n’inclurait pas d’aveu de sa part. Dans un communiqué, la pharmaceutique a fait savoir qu’elle « continue à travailler avec les plaignants pour atteindre une résolution des poursuites liées aux opioïdes qui vont apporter des milliards de dollars et des médicaments vitaux contre les surdoses d’opioïdes dans les communautés touchées à travers le pays ».

L’OxyContin, populaire médicament contre la douleur, s’est retrouvé au cœur de l’épidémie qui a frappé les États-Unis dans les deux dernières décennies. Purdue a déjà payé plusieurs centaines de millions de dollars d’indemnisation ; le fabricant a plaidé coupable en 2007 pour son marketing trompeur.

Quelque 400 000 personnes sont mortes d’une surdose d’opioïdes entre 1999 et 2017 aux États-Unis, selon les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies.

Plusieurs pharmaceutiques ont été poursuivies au cours des dernières années pour leur rôle dans la crise. Johnson & Johnson a été condamnée en août à payer 572 millions par une cour de l’Oklahoma.

« Beaucoup de villes, de comtés ont poursuivi les pharmaceutiques parce qu’elles n’ont pas les moyens de payer pour les conséquences que cela a entraînées », souligne M. Skinner.

— Avec Reuters, le Washington Post et CNN

Des poursuites au Canada aussi

Au Canada aussi, les poursuites contre les pharmaceutiques s’organisent. Si elle juge qu’une entente dans une cause similaire peut avoir un impact « stratégique », la professeure à la faculté de droit de l’Université de Montréal Catherine Piché rappelle que les tribunaux fonctionnent indépendamment. « C’est certain que sur un plan pratique, s’il y a un règlement, on va le regarder, mais ça ne veut pas dire que ça va être le même résultat », souligne-t-elle. Au Québec, une demande pour autoriser une action collective contre 27 pharmaceutiques a été déposée en mai dernier, une semaine après une requête déposée par l’Ontario. La Colombie-Britannique avait aussi fait une demande l’an dernier.