(NEW YORK) Le président américain a intensifié hier ses attaques à caractère xénophobe envers quatre représentantes démocrates de couleur

En 2011, Donald Trump a commencé à gagner des appuis au sein du Parti républicain en faisant sienne la théorie des « birthers ». Sur toutes les tribunes, il a insinué que Barack Obama n’était pas éligible à la présidence en raison de sa naissance au Kenya.

La stratégie a contraint le 44e président à se livrer à l’exercice humiliant de publier son extrait de naissance.

Lors de sa première campagne présidentielle, le promoteur immobilier a remplacé la théorie des « birthers » par une attaque en règle contre les Mexicains. D’entrée, il les a accusés d’envoyer aux États-Unis des trafiquants de drogue, des criminels et des violeurs.

La stratégie a contribué à son élection en novembre 2016, contre toute attente.

À 15 mois et demi de l’élection de 2020, Donald Trump semble avoir trouvé de nouvelles cibles. Il s’agit de quatre femmes de couleur qui ont été élues en novembre 2018 à la Chambre des représentants. Quatre femmes progressistes, dont trois sont nées aux États-Unis et auxquelles le président des États-Unis a lancé sur Twitter dimanche un message jugé raciste et xénophobe : retournez dans votre pays d’origine au lieu de critiquer « la plus grande et la plus puissante nation de la Terre ».

Donald Trump est revenu à la charge hier, accusant les quatre élues de vouer « une haine viscérale » aux États-Unis. Il a également évoqué la « haine qu’elles ont pour Israël et l’amour qu’elles ont pour des ennemis comme Al-Qaïda ».

« Si vous n’êtes pas heureuses ici, vous pouvez partir ! », a-t-il également dit lors d’une intervention dans les jardins de la Maison-Blanche.

Il reste à voir s’il aura autant de succès avec cette stratégie qu’il en a eu avec celles de 2011 et de 2015. Robert Shapiro, politologue à l’Université Columbia, a émis des doutes sur le sujet dans un courriel à La Presse.

« La stratégie politique de Trump, si vous voulez utiliser ce terme, comporte deux tactiques politiques : l’une consiste à dominer les nouvelles et à détourner l’attention des questions liées à la détention [des migrants] à la frontière ; l’autre, qui est reliée à la première, est de maintenir l’attention et l’appui de sa base politique. Son attaque outrageante contre les quatre femmes avait pour but de faire d’une pierre deux coups.

Mais son ‘‘retournez d’où vous venez’’ a peut-être joué trop fort sur la corde raciste et donné aux femmes l’occasion d’employer à leurs propres fins une stratégie semblable à la sienne.

Robert Shapiro, politologue à l’Université Columbia

Tribune inespérée

De fait, les représentantes ont tenu en fin de journée une conférence de presse à Washington qui a été retransmise en direct par les chaînes d’information. D’une certaine façon, Alexandria Ocasio-Cortez, de l’État de New York, Ilhan Omar, du Minnesota, Rashida Tlaib, du Michigan, et Ayanna Pressley, du Massachusetts, ont joui d’une tribune inespérée qui leur a permis de répondre de façon posée aux attaques du président.

« On ne nous fera pas taire », a déclaré l’élue du Massachusetts, première Afro-Américaine à représenter son État au Congrès.

« Les esprits et les dirigeants faibles mettent en doute notre loyauté envers le pays pour éviter de débattre de vraies questions », a déclaré de son côté Alexandria Ocasio-Cortez, qui a des racines portoricaines. 

Ce président ne sait pas comment défendre l’idée que les Américains ne méritent pas de soins de santé. Il ne sait pas comment défendre ses politiques. Il doit se résoudre à nous attaquer personnellement. Et c’est tout ce dont il s’agit.

Alexandria Ocasio-Cortez,  représentante démocrate de New York

Ilhan Omar a pour sa part accusé le président de promouvoir « le programme des nationalistes blancs » en s’attaquant comme il l’a fait à quatre élues de couleur. « Sa stratégie consiste à nous diviser les uns les autres », a-t-elle déclaré.

Née en Somalie et naturalisée Américaine en 2000, Ilhan Omar est musulmane, tout comme Rashida Tlaib, née au sein d’une famille d’immigrés palestiniens. Les deux élues ont nié ou ridiculisé les insinuations de Donald Trump concernant leur « haine » d’Israël et leur « amour » d’Al-Qaïda.

Vote critiqué

Avant d’être attaquées par le président, les quatre élues démocrates avaient donné du fil à retordre à leur chef, Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants, notamment sur la question de l’immigration. Elles avaient durement critiqué le vote de leurs collègues modérés en faveur d’un projet de loi prévoyant une aide supplémentaire de 4,6 milliards de dollars pour permettre de mieux gérer l’afflux des migrants à la frontière sud.

Or, en s’attaquant à ces quatre élues, Donald Trump ne voulait pas seulement exploiter les divisions démocrates, il voulait également les transformer en emblème du Parti démocrate, objectif auquel il a fait écho sur Twitter après la conférence de presse du quatuor.

« Les démocrates tentaient de se distancier des quatre ‘‘progressistes’’, mais sont désormais forcés de les appuyer. Cela signifie qu’ils appuient le socialisme et la haine d’Israël et des États-Unis ! Pas bon pour les démocrates ! », a-t-il tweeté.

Nancy Pelosi a annoncé hier la tenue prochaine d’un vote sur une résolution condamnant les gazouillis « racistes » du président à l’endroit des élues démocrates.

Après une journée de silence, quelques élus républicains, dont les sénateurs Mitt Romney, Susan Collins et Lisa Murkowski, ont critiqué hier les tweets de l’occupant de la Maison-Blanche.

Mais aucun républicain n’est allé aussi loin dans ses critiques que Joe Biden. « Il n’y a jamais eu dans l’histoire de ce pays un président aussi ouvertement raciste que cet homme », a dit l’ancien vice-président et candidat démocrate à la présidence.