(Washington) L’ancien vice-président américain Joe Biden s’est insurgé vendredi des accusations de sa rivale Kamala Harris, une sénatrice ayant provoqué la veille le moment le plus saisissant du débat de la primaire démocrate en le mettant face à son bilan sur la question des discriminations raciales.

« Nous savons tous que 30 ou 60 secondes d’un débat de campagne ne peuvent pas rendre justice à une vie entière passée à défendre les droits civiques », a lancé Joe Biden lors d’une conférence à Chicago.

Le regardant droit dans les yeux, Kamala Harris, 54 ans, l’a confronté jeudi à ses récents propos controversés à propos d’élus ségrégationnistes.

Puis elle l’a accusé de s’être opposé dans les années 1970 à un programme public de transport d’écoliers depuis les quartiers noirs vers des écoles blanches, avant de révéler, dans un moment émouvant, qu’elle en avait bénéficié petite.

« Je ne me suis jamais, jamais opposé » au système « volontaire » de transport, a martelé vendredi l’ancien vice-président de Barack Obama, avant de prendre dans ses bras le révérend Jesse Jackson, célèbre militant américain pour les droits civiques, qui organisait cette conférence.

Fille d’immigrés jamaïcain et indienne, Kamala Harris récoltait les fruits de son débat très bien préparé, disant sur les télévisions son « grand respect » pour Joe Biden mais aussi sa volonté de le battre aux primaires démocrates, de défier Donald Trump à la présidentielle de novembre 2020 … et de devenir la première femme noire à diriger la première puissance mondiale.

Le sénatrice californienne est une habituée des « premières ».

Après deux mandats de procureure de San Francisco (2004-2011), elle a été élue, deux fois, procureure de Californie (2011-2017), devenant la première femme, mais aussi la première personne noire, à diriger les services judiciaires de ce grand État de l’Ouest américain.

Record d’audience

Grand favori des sondages pour l’investiture démocrate, Joe Biden, 76 ans, a eu à répondre à de multiples critiques lors du second débat démocrate jeudi.

Désireux d’entamer son avantage, ses rivaux lui ont reproché plusieurs décisions prises au cours d’une carrière politique longue de plus de quarante ans, l’exhortant à « passer le témoin » aux jeunes.  

Organisé à Miami sur deux soirées pour faire place à la vingtaine de candidats – un nombre record –, ce grand show télévisé à l’américaine a confirmé les cinq noms du peloton de tête démocrate : Joe Biden (32 %), le sénateur indépendant Bernie Sanders (17 %), la sénatrice progressiste Elizabeth Warren (13 %), Kamala Harris (7 %) et le jeune maire Pete Buttigieg (6,6 %).

Socialiste revendiqué,  Bernie Sanders a été plutôt effacé, tout en restant fidèle aux propositions très à gauche – système de santé universel, lutte contre les inégalités économiques – qui ravissent ses supporteurs très fidèles.

Mais les trois candidats qui le talonnent dans les sondages, moins connus du grand public, ont confirmé leur statut de prétendants sérieux à la Maison-Blanche.

Elizabeth Warren a dominé le premier débat mercredi, Kamala Harris s’est imposée le second soir. Et Pete Buttigieg, benjamin de la course à 37 ans et premier candidat de poids dans une élection présidentielle à se déclarer homosexuel, a impressionné.

Cet ancien militaire traverse de grandes difficultés dans sa ville de South Bend après la mort récente d’un Noir abattu par un policier blanc. Il a sobrement admis jeudi ses responsabilités exécutives, tout en déplorant avec émotion « l’ombre du racisme systémique planant sur la police ».

L’émission de jeudi a battu les records d’audience pour un débat démocrate, selon la chaîne organisatrice NBC, avec 27 millions de téléspectateurs ou en live streaming. Quelque 24 millions de personnes ont regardé le débat mercredi.

L’Iowa sera le premier État à se prononcer dans ces primaires démocrates en février 2020.

Trump raille

En face, le président républicain Donald Trump se frotte les mains après des échanges démocrates ayant montré un cap nettement axé à gauche, notamment sur l’immigration et la santé. Comme lorsque, jeudi soir, les dix candidats sur le plateau ont levé la main pour afficher leur soutien à une couverture santé pour les migrants sans-papiers.

Le milliardaire a rapidement raillé sur Twitter les candidats qui « donnent la santé gratuite à des millions d’étrangers illégaux. Pourquoi pas s’occuper des citoyens américains d’abord ! ? ».

Et le président de 73 ans a encore ironisé vendredi matin sur ses rivaux, depuis le Japon : « J’ai entendu que ce n’était pas un bon jour pour Joe-Dodo et Bernie le dingue. L’un est épuisé, l’autre est fou ».