Les jésuites américains, qui gèrent de nombreux établissements scolaires, ont promis la transparence sur la pédophilie dans leurs rangs, publiant les noms de plus de 200 prêtres «visés par des accusations crédibles» depuis les années 50.

L'ordre a divulgué lundi les noms de 89 prêtres mis en cause sur plus d'un demi-siècle : 65 dans la province du Midwest (une douzaine d'États du Wyoming aux Grands Lacs) et 24 dans celle du Maryland (neuf États dans l'est).

Il y a 10 jours, les provinces du centre/sud et de l'ouest des États-Unis avaient déjà divulgué plus de 150 noms de jésuites accusés d'abus sexuel sur mineur. Certains prêtres ayant exercé dans plusieurs provinces se retrouvent nommés à deux reprises.  

La Compagnie de Jésus - l'ordre des jésuites dont est issu le pape François - emboîte le pas à de nombreux diocèses catholiques qui ont ouvert leurs archives depuis la publication cet été d'un rapport accablant sur des abus dans l'Église en Pennsylvanie.

Elle le fait «dans un esprit de transparence et de réconciliation», a expliqué Brian Paulson, qui dirige l'ordre dans le Midwest. Le «coeur empli d'effroi, de douleur et de honte», il s'est excusé auprès des victimes et de leurs proches «qui ont souvent souffert en silence pendant des décennies».

Un grand nombre des prêtres cités ont commis leurs méfaits dans les années 50 ou 60. Une bonne partie sont d'ailleurs décédés sans jamais avoir été inquiétés.  

Pendant des années, «nous avons échoué à agir, privant les victimes de justice et de protection», a reconnu le Père Paulson, tout en assurant que depuis 2002, toute allégation entraîne une mise à pied.  

La liste publiée dans le Midwest comprend pourtant le cas d'un prêtre qui, mis en cause pour avoir photographié des élèves nus, avait été exfiltré en 1988 de son école de Milwaukee. Discrètement transféré dans le Nebraska, il n'a été sanctionné qu'en 2011.

Entre le Canada et les États-unis, l'ordre des jésuites dirige 81 écoles et 30 établissements d'enseignement supérieur. Les jésuites, qui ont joué un rôle important dans l'évangélisation des Amérindiens, ont notamment fondé l'Université de Georgetown à Washington.

«Première étape»

Les listes publiées par les jésuites comprennent une majorité de cas connus, mais elles sont temporaires, ont-ils souligné. L'ordre a appelé les témoins à se manifester et des experts indépendants ont été désignés pour poursuivre le travail.

L'organisation de victimes de prêtres pédophiles SNAP s'est réjouie dans un communiqué de «cette première étape vers la transparence».

Soulignant que «ces noms étaient restés secrets pendant des années», elle a toutefois jugé que la publication des listes noires était «uniquement suscitée par la pression de la justice, des paroissiens et du public».

L'Église catholique américaine a été ébranlée par une série d'articles du Boston Globe en 2002 sur les abus commis par le clergé dans cette ville de l'est. Ces révélations, popularisées dans le film Spotlight, ont libéré la parole des victimes dans tout le pays.

Depuis, de nombreux prêtres ont été exclus du clergé et poursuivis en justice. L'Église a aussi versé des sommes importantes pour dédommager les victimes.

En 2007, l'ordre des jésuites avait ainsi versé 50 millions de dollars à 110 victimes supposées d'abus sexuels dans des zones rurales d'Alaska. Les accusations portaient principalement sur 12 prêtres et trois missionnaires accusés d'avoir agressé des enfants esquimaux entre 1961 et 1987.

Cet été, les services du procureur de Pennsylvanie ont porté un nouveau coup dur à l'Église, en détaillant dans un rapport des abus perpétrés par plus de 300 prêtres et dont ont été victimes plus de 1000 enfants sur plusieurs décennies.

Dans la foulée, l'archevêque de Washington, le cardinal Donald Wuerl, accusé d'avoir contribué à étouffer le scandale, a été contraint de démissionner, des diocèses ont commencé à publier des listes noires et une dizaine d'États ont initié des investigations pour mettre au jour les abus.