Donald Trump a pu compter pendant plus de 20 ans sur l'appui de David Pecker, patron de l'hebdomadaire à scandales National Enquirer devenu son bras armé dans la presse. Mais, menacé de poursuites, le vieil ami a désormais changé de camp.

Costumes rayés, chevelure poivre et sel plaquée en arrière, moustache, David Pecker appartient tout comme Donald Trump à un New York en voie de disparition : celui des personnages hauts en couleur, arrogants, tout sauf politiquement corrects.

Très tôt désireux d'occuper le terrain médiatique, le milliardaire a toujours cherché un accès direct à la presse, que ce soit avec le magnat Rupert Murdoch (New York Post et Fox News) ou David Pecker.

À la différence du promoteur immobilier placé sur orbite par son père, David Pecker s'est enrichi tout seul, mais il a atterri dans les mêmes cercles de pouvoir new-yorkais que Donald Trump et une amitié est née.

Nommé PDG de la branche américaine du groupe Hachette Filipacchi en 1992, il publie pour Donald Trump dès 1998 un magazine promotionnel intitulé Trump Style.

Et lorsqu'en 1999 David Pecker prend le contrôle avec un groupe d'investisseurs d'American Media Inc (AMI), qui possède le National Enquirer, il devient un véritable patron de presse et met son titre au service du milliardaire.

Le National Enquirer, qui évoquait jusque-là régulièrement la vie amoureuse mouvementée de Donald Trump, devient l'instrument de l'homme d'affaires et ne le présente plus que sous un jour favorable.

Quant aux informations peu flatteuses ou compromettantes, M. Pecker s'assure qu'elles ne soient publiées ni dans son magazine, ni nulle part ailleurs.

«Il m'a dit de manière très directe qu'il avait fait disparaître des tas d'histoires pour Trump», expliquait l'an dernier au New Yorker Gus Wenner, ancien propriétaire du magazine Us Weekly racheté par AMI en 2017, une assertion réfutée ensuite par David Pecker.

Machine à fausses informations

Lorsque Donald Trump annonce sa candidature à la Maison-Blanche en juin 2015, le tabloïd devient une machine de propagande, pour soutenir «The Donald» mais aussi pour discréditer ses concurrents, en premier lieu son adversaire Hillary Clinton.

Expert en la matière, le magazine, qui invente des grossesses, des liaisons ou des divorces de célébrités depuis des décennies, passe la candidate démocrate à la moulinette des «fake news».  

Conspiration, maladie, liaison, tout y passe ou presque, et alimente un climat dans lequel prospèrent Donald Trump et ses petits arrangements avec la réalité.

Même si le National Enquirer perd chaque année de son influence, malmené par internet en général et par le site TMZ en particulier, Donald Trump y voit encore un puissant vecteur.

«Le National Enquirer touche l'électorat de Trump», a souligné jeudi Stu Zakim, ancien vice-président d'AMI, sur la chaîne CNN. «Les deux populations (lecteurs et électeurs) se recoupent vraiment.»

À quelques semaines du scrutin présidentiel, M. Pecker évite à son ami un scandale en achetant, pour 150 000 dollars, l'exclusivité du témoignage de Karen McDougal sur une liaison supposée avec le promoteur, avec l'intention de ne jamais le publier.

Après l'élection de Donald Trump, le magazine continue à le soutenir, jusqu'à cette dernière Une, début mai, qui prétendait révéler les «secrets et mensonges» de Michael Cohen, ancien avocat personnel du milliardaire sur le point de se retourner contre lui.

Depuis, plus rien sur le président.

Menacé de poursuites, David Pecker a décidé de collaborer avec la justice américaine et a obtenu une immunité, selon plusieurs médias américains.

Stu Zakim voit aussi dans ce retournement une possible décision économique. «Les lecteurs en ont peut-être assez», dit-il, ce qui affecterait «les ventes, la publicité, c'est l'activité qui importe à David Pecker, peut-être plus que de protéger son ami.»

Selon des documents obtenus par l'Associated Press, les ventes du National Enquirer auraient, en effet, baissé de 18% sur l'exercice 2017-18 par rapport à l'année précédente.

Le titre ne se vendrait plus qu'à 265 000 exemplaires, soit quasiment moitié moins qu'en 2014 (516 000), une tendance inquiétante, a fortiori pour un groupe très endetté.

À la différence de ceux qui se sont retournés contre lui depuis son arrivée à la Maison-Blanche, Donald Trump ne s'en est pas pris jusqu'ici à David Pecker.

Plusieurs médias ont fait état d'un coffre, dans lequel l'homme de presse aurait caché des documents compromettants pour le président.