Habile stratège, la chef des démocrates au Congrès américain, Nancy Pelosi, a surmonté mercredi une fronde interne en décrochant la nomination de son parti pour prendre en janvier les puissantes commandes de la Chambre des représentants et la tête de l'opposition à Donald Trump.

Mais des rebelles ont promis un bras de fer dans les prochaines semaines, affirmant n'être toujours pas disposés à voter pour qu'elle devienne présidente de la chambre basse, faute de concessions.  

Vétéran de la politique reconnue pour son grand sens tactique, forte de la nette victoire des démocrates à la Chambre lors des récentes élections de mi-mandat, Nancy Pelosi s'est montrée d'un optimisme de fer malgré ces menaces.  

«Je suis fière d'avoir été nommée de nouveau par le groupe démocrate de la Chambre pour être speaker», troisième personnage le plus important de la politique américaine après le président et le vice-président.

«Il y a des opposants oui, mais je m'attends à obtenir un vote solide», a ajouté l'élue de 78 ans.

Les démocrates de la Chambre - nouveaux élus et actuels - ont voté à bulletins secrets mercredi, lui donnant la victoire par 203 voix contre 32.  

Nancy Pelosi doit désormais remporter le vote en séance plénière le 3 janvier, lorsque les 435 nouveaux élus, républicains et démocrates, de la Chambre éliront leur speaker.  

Soif de renouveau

À la prochaine rentrée parlementaire, en janvier, les démocrates détiendront une confortable majorité à la Chambre, avec plus de 230 sièges sur 435.

Nancy Pelosi, qui a déclaré ne vouloir être élue que grâce aux voix démocrates, ne peut se permettre plus de 15 à 17 défections.  

Or, son autorité a été remise en question par une vingtaine de frondeurs, dont plusieurs nouveaux jeunes élus dans la nouvelle promotion de démocrates, qui compte un nombre record de femmes et de membres issus de minorités.  

Certains appellent au renouveau à leur tête pour refléter cette nouvelle ère, alors que Nancy Pelosi avait déjà occupé le perchoir entre 2007 et 2010, devenant première femme speaker de l'histoire américaine.

L'un de ses plus virulents critiques, Seth Moulton, a réclamé mercredi un plan de transition précis vers une nouvelle équipe de dirigeants issus de la «nouvelle génération». Puis d'ajouter une mise en garde : «À ce stade, (Nancy) Pelosi n'aura pas les 218 votes nécessaires pour devenir speaker».

Aucun autre élu démocrate ne s'est toutefois présenté contre elle.  

«Je ne sais pas comment on pourrait élire quelqu'un d'imaginaire», a ironisé l'une des soutiens de Nancy Pelosi, Joyce Beatty.  

Et sur la trentaine qui ont voté «non» mercredi, beaucoup pourraient être réticents à apparaître publiquement divisés face aux républicains le 3 janvier.  

Reste un noyau dur de rebelles que la tacticienne a un peu plus d'un mois pour convaincre.  

Le renouvellement a en tout cas timidement démarré au sommet.  

Star montante du parti, Hakeem Jeffries a été élu numéro cinq des démocrates à la Chambre. L'équipe dirigeante du parti compte désormais, pour la première fois, deux Afro-Américains, avec James Clyburn au troisième rang.  

Trump en vue

«Les Américains ont élu des dirigeants qui obligeront Trump et le parti républicain à rendre des comptes, restaureront l'État de droit et se battront pour les familles qui travaillent, et cela est exactement ce que nous allons obtenir» avec Nancy Pelosi, s'est réjoui le président du parti démocrate, Tom Perez.  

La septuagénaire aura besoin de sa longue expérience de négociatrice face aux républicains, qui garderont le contrôle du Sénat en janvier, en plus de la Maison-Blanche.  

À la tête de sa majorité, elle pourra bloquer les textes républicains, comme une nouvelle réforme des impôts ou de l'immigration.  

Et la probabilité d'une procédure de destitution contre Donald Trump augmente, alors que les démocrates pourront ouvrir des enquêtes parlementaires sur les soupçons de collusion entre l'équipe de campagne du milliardaire et la Russie lors de la présidentielle de 2016.

Nancy Pelosi s'est jusqu'ici dite opposée à cette procédure d'«impeachment». Mais un revirement n'est pas exclu, surtout si le procureur spécial Robert Mueller, qui dirige l'enquête russe, présentait des éléments concrets à charge.