Le flou entourait vendredi l'inculpation de Julian Assange, annoncée par erreur par la justice américaine, faisant planer sur le fondateur de WikiLeaks un risque d'extradition vers les États-Unis, au grand dam des associations de défense des droits civiques, qui dénoncent une menace à la liberté de la presse.

Un document judiciaire datant d'août 2018 a été exhumé et publié sur Twitter jeudi soir par un expert universitaire des procédures judiciaires.

Plusieurs paragraphes de ce document, émanant d'un procureur fédéral de l'État de Virginie et sans rapport avec le reste de l'affaire présentée, mentionnent Julian Assange.

Très rapidement, l'information se propage et est relayée par WikiLeaks.

« Scoop : le ministère américain de la Justice révèle "accidentellement" l'existence de chefs d'accusation secrets (ou un brouillon de ces chefs d'accusation) contre le directeur de WikiLeaks Julian Assange, dans ce qui semble être une erreur de copier-coller dans une autre affaire », s'émeut sur Twitter l'organisation, qui a publié en 2010 de nombreux secrets militaires et documents diplomatiques américains.

Le document de la justice américaine mentionne en effet l'importance de « maintenir confidentiel le fait qu'Assange a été inculpé ».  

Les chefs d'accusation devraient « rester confidentiels jusqu'à ce qu'Assange soit arrêté », précise-t-il.

Quand l'Australien de 47 ans a-t-il été inculpé ? Quels chefs d'accusation ont été retenus contre lui ? Son arrestation et son extradition sont-elles à prévoir ? Dans quelle mesure cette affaire est-elle liée à l'enquête du procureur Mueller sur l'ingérence russe dans l'élection présidentielle américaine de 2016 ? Tant de questions qui restent pour l'instant sans réponse.  

Le porte-parole du procureur fédéral de Virginie a reconnu « une erreur ». « Ce n'était pas le nom voulu dans ces documents », a-t-il expliqué dans un communiqué relayé par les médias américains.

Julien Assange, réfugié à l'ambassade d'Équateur à Londres depuis juin 2012, n'a pas réagi, a fait savoir son avocate Jennifer Robinson lors d'une entrevue avec l'émission indépendante Democracy Now !

« S'il y avait inculpation, elle ne serait pas rendue publique », a-t-elle déclaré. « Ce n'est pas seulement un problème pour nous et Julien Assange, c'est un problème pour toute la presse ».

« Inquiétant »

Les associations de défense de la liberté de la presse et des droits civiques se sont également émues d'une possible arrestation de l'ancien lanceur d'alerte, accusé de viol et d'agression sexuelle en Suède.

« Toute poursuite de M. Assange en raison des publications de WikiLeaks serait inédite et anticonstitutionnelle et créerait un précédent permettant des enquêtes pénales sur des organes de presse », a déclaré vendredi matin Ben Wizner, avocat de la puissante association de défense des droits civiques ACLU, et conseil d'Edward Snowden.  

« Ce serait inquiétant si l'administration Trump, qui a montré peu de respect pour la liberté de la presse, poursuivait Assange pour avoir publié des informations classifiées transmises par un responsable gouvernemental », a pour sa part averti Kenneth Roth, directeur général de Human Rights Watch.

À quelques mois de l'élection présidentielle américaine de 2016, WikiLeaks avait publié des milliers de courriels piratés provenant du parti démocrate et de l'équipe d'Hillary Clinton, contribuant à discréditer l'adversaire de Donald Trump.

« J'adore WikiLeaks », s'était exclamé lors d'un rassemblement le milliardaire républicain, dont l'équipe de campagne est suspectée de collusion avec Moscou lors de cette élection.

Selon le renseignement américain, les documents démocrates publiés par WikiLeaks avaient été obtenus auprès d'agents russes, ce que nie la plateforme.

En juillet, le procureur Mueller, qui empoisonne la présidence de Donald Trump, a inculpé douze agents du renseignement russe pour avoir piraté les ordinateurs du parti démocrate en 2016.