Le procès du célèbre narcotrafiquant mexicain Joaquin « El Chapo » Guzman, qui devait entrer mardi dans le vif du sujet avec les premières plaidoiries, a été retardé après qu'au moins un des jurés a été récusé.

L'une des 12 jurés sélectionnés la semaine dernière, qui avait demandé en vain en pleurant à ne pas être retenue, est arrivée mardi au tribunal avec une note de son médecin, demandant à ne pas avoir à suivre le procès.  

« Cette personne est anxieuse et troublée depuis qu'elle a été sélectionnée », a expliqué le juge fédéral Brian Cogan, cité par le New York Post.  

Du coup, le juge a dû retarder les plaidoiries afin de sélectionner au moins un nouveau juré, les avocats ayant préféré ne pas utiliser l'un des six suppléants déjà choisis, selon le journal.  

Lors de la sélection la semaine dernière, plusieurs jurés potentiels avaient demandé à être excusés, de crainte de représailles du narcotrafiquant ou de ses proches.  

La justice américaine présente El Chapo, 61 ans, comme l'un des barons de la drogue les plus dangereux qu'elle ait jamais eus entre ses mains.

Il est accusé d'avoir dirigé de 1989 à 2014 le puissant cartel de Sinaloa, du nom des montagnes au nord-ouest du Mexique d'où il est originaire.  

Les procureurs américains affirment que, sous sa direction, le cartel a expédié aux États-Unis plus de 154 tonnes de cocaïne, pour une valeur estimée à 14 milliards de dollars.

Depuis son extradition aux États-Unis en janvier 2017, M. Guzman, qui risque la prison à perpétuité, est l'objet de conditions de détention très strictes, dues à deux précédentes évasions rocambolesques au Mexique, en 2001 et 2015.

Un procès pour l'exemple

Ce procès « est emblématique pour la justice américaine », elle veut en faire « un exemple de la guerre que mènent les États-Unis contre les narcotrafiquants », a indiqué à l'AFP René Sotorrio, un avocat de Miami qui a défendu de nombreux trafiquants de drogue.

« El Chapo est une icône, l'incarnation dans l'imaginaire collectif du narcotrafiquant dangereux », a-t-il souligné.  

Ce qui explique selon lui que la justice américaine n'ait cherché à négocier aucun accord de plaider-coupable, qui aurait évité un long et très coûteux procès.

El Chapo plaide non coupable, mais la justice américaine assure avoir réuni une montagne de preuves accablantes contre lui, submergeant les avocats de la défense, qui déplorent ne pas avoir pu toutes les examiner : quelque 300 000 pages de documents, 117 000 enregistrements audio et quantités de photos et vidéos.

En attendant de savoir si les jurés jugeront le Mexicain coupable des 11 chefs d'accusation retenus contre lui, au terme d'un procès censé durer plus de quatre mois, la crainte d'une nouvelle évasion ou d'un autre coup d'éclat d'El Chapo plane sur le tribunal.  

Pour protéger les jurés retenus, leurs noms resteront secrets et ils seront escortés par des gardes chaque jour au tribunal de Brooklyn, où de nombreux hommes en armes et chiens renifleurs ont été déployés.

La liste des témoins - ex-associés, employés ou rivaux d'El Chapo - appelés à témoigner est aussi tenue secrète.  

Certains bénéficient de la protection du gouvernement américain, et vivent aujourd'hui sous de nouvelles identités. D'autres sont détenus dans des prisons spéciales pour empêcher toutes représailles.  

Afin de limiter les risques, le juge Cogan a aussi refusé une requête d'El Chapo qui demandait à pouvoir étreindre brièvement sa femme, Emma Coronel, avant le début des plaidoiries ce mardi.

Même s'il s'est dit « sensible » à la demande d'un homme maintenu à l'isolement 23 heures sur 24, avec pour seules visites celles de ses avocats et de ses filles jumelles de sept ans, le juge a estimé que le risque était trop grand.

Surtout « à la veille du procès, à un moment où l'accusé mesure peut-être les conséquences auxquelles il devra faire face en cas de condamnation, et où sa volonté de s'évader ou de menacer des témoins pourrait être particulièrement forte, » a-t-il écrit dans sa décision.

Mme Coronel a fait une arrivée remarquée au tribunal mardi matin, entourée d'une nuée de journalistes.