Une Canadienne se trouve parmi les 11 victimes de l'attaque antisémite perpétrée hier contre la synagogue Tree of Life de Pittsburgh.

Joyce Fienberg, 75 ans, avait grandi à Toronto, a expliqué son frère Bob Libman à CBC. 

«Toute la famille est accablée», a-t-il témoigné. Sa soeur était «la personne la plus incroyable et généreuse.» La Presse n'a pas été immédiatement en mesure de le rejoindre. Mme Fienberg résidait aux États-Unis depuis plusieurs décennies. 

«Elle était une femme engageante, élégante et chaleureuse», a affirmé son ancien employeur, le Learning Research & Development Center (LRDC), dans un éloge funèbre mise en ligne sur les réseaux sociaux.

La chercheuse retraitée, qui avait récemment perdu son époux, est tombée sous les balles de Robert G. Bowers, selon les autorités. 

Lors de son arrestation, hier, l'homme de 46 ans a affirmé qu'«il voulait que tous les Juifs meurent» parce qu'ils sont responsables du «génocide» des Américains. 

Le suspect a formulé ces propos haineux lors de son arrestation, selon des documents judiciaires diffusés dimanche par la police.  

Au cours d'une conférence de presse, les autorités ont aussi dévoilé l'identité des personnes tuées par Bowers, qui a fait irruption armé jusqu'aux dents pendant un service de shabbat, hier matin.

Il s'agit en majorité de personnes âgées. Deux d'entre eux étaient d'une même fratrie.

Robert Jones, l'agent du FBI responsable du dossier, a précisé que Bowers avait trois armes de poing et un fusil d'assaut au moment de passer à l'attaque. « S'il n'avait pas été empêché de sortir de la synagogue [après son crime], d'autres actes de violence auraient fort probablement pu être commis », a dit le policier.

Selon les premières constatations de ses enquêteurs, le quadragénaire n'avait pas de complices.

« Aux familles des victimes, aux amis des victimes, nous sommes ici en tant que communauté unie pour vous », a affirmé Bill Peduto, le maire de Pittsburgh, au cours de la même conférence de presse. « Squirrel Hill est le quartier le plus diversifié de l'est de la Pennsylvanie. Les gens choisissent d'y résider en raison de cette diversité. »

« Nous avons été assommés par le passé, mais nous avons toujours été capables de nous relever parce que nous travaillons ensemble », a-t-il ajouté.

Le maire y est également allé d'affirmations sur le port d'armes au pays. « Les États-Unis doivent réfléchir aux moyens d'empêcher les auteurs potentiels de crimes racistes de se procurer des armes à feu », estime-t-il.

« J'ai entendu le président dire qu'il faudrait armer des gardes dans nos synagogues, a-t-déclaré. Notre approche devrait plutôt être : comment retirer les armes à feu, qui sont le dénominateur commun de toutes les fusillades en Amérique, des mains de ceux qui veulent exprimer leur haine raciste avec des meurtres ? »



29 chefs d'accusation

Le suspect du massacre pourrait encourir la peine de mort.

Bowers fait face à 29 chefs d'accusation fédéraux liés à des crimes haineux et à l'utilisation d'une arme à feu pour commettre un meurtre.

Le procureur général des États-Unis, Jeff Sessions, a indiqué que le suspect pourrait être passible de la peine capitale.

Il est aussi accusé de 11 chefs d'homicide, 6 chefs de voies de fait graves et 13 chefs d'intimidation ethnique au niveau de l'État de Pennsylvanie.

Le suspect de la fusillade aurait déclaré aux policiers que les Juifs étaient en train de commettre un génocide et qu'il souhaitait leur mort, selon un affidavit déposé en cour par la police et rendu public.

« Je veux juste tuer des Juifs », aurait avoué Bowers à un policier, selon un document déposé en cour.

Le suspect détenait un permis de port d'arme et possédait légalement ses armes, selon un membre des forces de l'ordre, qui n'était pas autorisé à discuter de l'enquête en cours.

Bowers, qui a subi une intervention chirurgicale et est demeuré hospitalisé, doit comparaître lundi devant le tribunal. Il n'était pas clair s'il était représenté par un avocat autorisé à parler en son nom.

Son voisin, Chris Hall, a confié n'avoir jamais entendu ni vu quoi que ce soit qui indiquerait que Bowers entretenait des opinions antisémites ou constituait une menace. Il a dit qu'il était plutôt renfermé.

« La chose la plus terrifiante, c'est à quel point il semblait normal, a mentionné Chris Hall. J'aurais aimé savoir ce qui se passait dans sa tête. Peut-être que quelque chose aurait pu être fait. Je ne sais pas. »

Parmi les victimes figure Melvin Wax, un octogénaire et comptable à la retraite, qui était toujours l'un des premiers à arriver à la synagogue et l'un des derniers à partir.

« À la fin du service, lui et moi, nous racontions toujours une blague ou deux », s'est rappelé Myron Snider, un membre de la congrégation New Light, qui louait un espace au sous-sol de la synagogue.

Le bilan des victimes compte également des professeurs, des dentistes et des médecins.

Le centre médical de l'Université de Pittsburgh a déploré le décès du Dr Jerry Rabinowitz, 66 ans, « l'un des médecins et des êtres humains les plus gentils de notre communauté ».

Deux autres victimes, Cecil et David Rosenthal, âgés de 59 et 54 ans, vivaient avec une déficience intellectuelle et habitaient ensemble dans le quartier Squirrel Hill.

« Le rire de Cecil était contagieux. David était si gentil et avait un esprit si doux. Ils prenaient soin l'un de l'autre », a témoigné Chris Schopf, vice-président des soutiens résidentiels chez ACHIEVA, qui aidait les deux frères à vivre de manière indépendante. « Surtout, ils étaient gentils, de bonnes personnes, avec une foi forte et du respect pour tout le monde autour d'eux. »

Le maire de Pittsburgh a qualifié le drame de « jour le plus sombre de l'histoire de Pittsburgh ».

Le tireur a tué huit hommes et trois femmes dans la synagogue Tree of Life lors d'une cérémonie de culte, avant qu'une équipe d'intervention tactique de la police ne le retrouve et le blesse dans un échange de tirs, apprend-on dans le document officiel, qui contient des renseignements encore inconnus sur le fil des événements.

Des appels au 911 ont été faits à partir de la synagogue, tout juste avant 10 h samedi matin. Les auteurs des appels d'urgence rapportent qu'ils « sont attaqués », selon le récit décrit par les policiers. Bowers aurait blessé à la main, par balle, l'un des deux premiers policiers arrivés sur les lieux. L'autre a été blessé par « des éclats de balles et du verre brisé ».

L'équipe d'intervention tactique a retrouvé le tireur au troisième étage de l'immeuble. Il a fait feu à plusieurs reprises en direction de deux agents, révèle l'affidavit. L'un des policiers aurait été grièvement blessé.

L'arsenal du tireur comprenait un fusil d'assaut AR-15 et trois armes de poing.

Deux autres personnes présentes dans la synagogue, un homme de 70 ans et une femme de 61 ans, ont été blessées. L'homme se trouverait dans un état critique.

Pendant qu'il était traité pour ses blessures, Bowers aurait déclaré à un policier « qu'il souhaitait la mort de tous les Juifs et qu'ils [les Juifs] étaient en train de commettre un génocide contre son peuple », indique l'affidavit.

On sait encore très peu de choses au sujet de Robert Gregory Bowers, qui n'avait apparemment aucun casier judiciaire et qui aurait agi seul. Il avait cependant répandu son fiel antisémite sur les réseaux sociaux - son attaque est l'une des plus meurtrières visant des Juifs aux États-Unis.

Le président Donald Trump a ordonné que les drapeaux de tous les immeubles fédéraux soient mis en berne.

Cette tuerie a rallumé l'interminable débat entourant la possession d'armes à feu aux États-Unis. Le président s'est empressé d'affirmer que le bilan aurait été différent si des gardes armés avaient protégé la synagogue, tandis que le gouverneur de l'État de Pennsylvanie, Tom Wolf, un démocrate, a fait observer que « des armes avaient encore une fois mis en danger la vie des concitoyens. »

Le pape François, la chancelière allemande, Angela Merkel, et le président allemand, Frank-Walter Steinmeier, font partie des chefs religieux et chefs d'État qui ont fait part de leurs condoléances aux Américains.

Avec l'Associated Press et l'Agence France-Presse

Photo Agence France-Presse

Robert Bowers