«Ne trahissez pas les femmes, votez non»! Des milliers de manifestants se sont rassemblés jeudi à Washington pour appeler les sénateurs à s'opposer à la nomination attendue à la Cour suprême du juge Brett Kavanaugh, accusé d'agressions sexuelles dans sa jeunesse.

Ces organisations féministes et de défense des droits civiques, qui avaient appelé à une journée de rassemblement, espèrent convaincre des élus républicains, majoritaires au Sénat mais dont certains ont exprimé des doutes, de voter «non» lors du scrutin samedi.

L'affaire Kavanaugh a éclaté mi-septembre, perturbant une confirmation qui semblait acquise au magistrat soutenu par le président Donald Trump.

La semaine dernière, l'une des accusatrice du juge, Christine Blasey Ford, a réaffirmé devant la commission judiciaire du Sénat qu'il avait tenté de la violer lors d'une soirée arrosée au début des années 80.

Le magistrat nie vigoureusement et un rapport du FBI exonère le juge de ces accusations, a affirmé jeudi le chef républicain de la commission, Chuck Grassley.

Dans la foule, rassemblée devant le bâtiment de la Cour suprême, juste en face du Capitole ou siègent les parlementaires, des affiches demandaient à la sénatrice Susan Collins, une républicaine modérée: «Ne trahissez pas les femmes, votez non».

«Ma preuve, c'est mon histoire» proclamait une autre pancarte, accompagnée du mot-dièse «Croyez les survivantes», brandie par des manifestants qui estimaient le juge, farouche défenseur des valeurs conservatrices, «inapte à siéger».

Des victimes de violences sexuelles étaient aussi venues de plusieurs États américains pour raconter leur traumatisme aux parlementaires et les pousser à voter «non».

Jessica Cathcart, 24 ans, est venue de Californie, estimant que sa présence était son «devoir en tant que femme et Américaine».

«Je suis une survivante, c'est arrivé au seconaire et je n'ai jamais vraiment raconté mon histoire», confie-t-elle. «Quand j'ai vu le témoignage de Christine Blasey Ford et les commentaires, j'ai su que devais venir» pour protester, explique-t-elle. 

«Nous sommes tous des Américains»

Même sens de la mobilisation pour Angela Trzepkowski, une quinquagénaire venue de l'État du Delaware, à l'est de Washington. «Je crois (ce qu'a dit) le Dr. Ford, et je pense que Kavanaugh fait partie du club des vieux copains qui vont le protéger dans n'importe quelles circonstances», dit-elle.

Mme Trzepkowski voit dans le rapport du FBI une enquête biaisée: «Ce n'est pas l'enquête ouverte et impartiale que nous avions demandée.»

Carolyn Heyman, une avocate de 41 ans venue de l'Alaska avec plusieurs amis, espère ainsi pouvoir parler à la sénatrice Lisa Murkowski, élue républicaine de cet Etat, qui ne s'est jusqu'ici pas prononcée sur son choix définitif.

«Nous voulons lui dire qu'il est important d'écouter les survivantes et d'entendre leur message, mais aussi de nommer à la Cour suprême quelqu'un qui a le caractère approprié» sur les questions juridiques, estime Mme Heyman.

Mais pour les partisans de Donald Trump, la confirmation du juge Kavanaugh tombe sous le sens.

«Tout ça c'est fait pour protéger (le droit à) l'avortement», un sujet de société ultra-sensible dans le pays et dont la Cour suprême pourrait se saisir, estime Ben Bergquam, un touriste originaire de Californie qui pense que Mme Ford a menti aux sénateurs.

Dana Madison, une Californienne de 24 ans, souligne le manque de preuve pour corroborer le témoignage de l'accusatrice.

Cette habitante de Berkeley, un fief historique de la gauche américaine, se dit triste que les manifestants «soient plus intéressés par empêcher les gens de s'exprimer que d'engager un dialogue».

«Nous sommes tous des Américains, et c'est triste que nous soyons si divisés, je déteste ça», dit-elle.

Doreen Robinson, une touriste de 65 ans qui vit dans l'État de Washington, rappelle que «quelqu'un est innocent jusqu'à ce qu'il soit jugé coupable».

«Simplement parce que c'est une femme qui dit qu'elle a été agressée, ça fait pas beaucoup», explique-t-elle, estimant que les manifestants «suivent aveuglément une femme qui n'a pas de preuve».

«J'ai peur que cela ouvre des portes qui devraient rester fermées», ajoute-t-elle.