Seize balles, une vidéo accablante et des mois de manifestations: le procès d'un policier blanc de Chicago qui a abattu un adolescent afro-américain en 2014 s'est ouvert mercredi sous tension, malgré les appels au calme lancés par la famille de la victime.

Accusé de meurtre, Jason Van Dyke, 40 ans, est poursuivi pour avoir tiré à seize reprises sur Laquan McDonald, un mineur de 17 ans lors d'une confrontation un soir d'octobre dans la métropole du nord, une ville violente minée par le trafic de drogues et la guerre des gangs.

Cette affaire, emblématique des bavures policières aux États-Unis, fut très mal gérée par les autorités de Chicago, accusées d'avoir cherché à couvrir les forces de l'ordre.

Écho des manifestations de l'époque, des dizaines de personnes se sont rassemblées mercredi devant le tribunal, où se déroulait la sélection des jurés. En chantant «seize balles, une affaire étouffée», ils ont exigé que justice soit faite.

«Nous en avons assez que l'on trouve des excuses aux gens qui tuent d'autres êtres humains», a déclaré à l'AFP Mary Johnson, 85 ans. «Il faut arrêter de couvrir les policiers quand ils ont tort», a renchéri un autre manifestant Charles Edward Perry, 52 ans.

Face à eux, des proches de l'accusé s'étaient également mobilisés pour lui apporter son soutien.

Pour éviter tout débordement, la famille de Laquan McDonald a appelé à «une paix totale». «Nous ne voulons aucune forme de violence pendant ou après la décision de la cour», a déclaré mardi son grand-oncle Martin Hunter.

«Code du silence»

La mort de l'adolescent avait entraîné une onde de choc dans tout le pays après la diffusion d'une vidéo tournée depuis un véhicule policier.

Sur ces images, Jason Van Dyke tire sur l'adolescent, armé d'un couteau, alors qu'il se trouve à plusieurs mètres de distance et continue à vider son chargeur une fois celui-ci au sol.

La diffusion de l'enregistrement, obtenue par un juge après un an de blocage de la municipalité, avait entraîné le limogeage du chef de la police de Chicago et l'ouverture d'une enquête fédérale sur les méthodes des forces de l'ordre de la ville.

Ses conclusions, publiées en février 2017, évoquent des abus policiers fréquents et un «code du silence» en vigueur chez les agents.

Accusé d'avoir voulu étouffer le scandale, le maire démocrate Rahm Emanuel, un proche de l'ancien président Barack Obama, avait vu sa popularité s'effondrer. Mardi, à la surprise générale, il a annoncé qu'il renonçait à briguer un troisième mandat lors des élections de l'an prochain.

«Non coupable»

Jason Van Dyke, qui encourt jusqu'à 20 ans de prison, plaide non coupable. Dans une interview, il a assuré la semaine dernière avoir tiré parce qu'il se sentait menacé par le jeune homme. «Jamais je n'aurais utilisé mon arme si je n'avais pas pensé que ma vie ou celle d'un autre citoyen était en danger», a-t-il déclaré au Chicago Tribune.

L'issue de son procès sera vraisemblablement très suivie aux États-Unis, où la justice est plutôt clémente envers les policiers.

Alors qu'environ un millier de personnes meurent chaque année sous les balles de policiers américains, seuls 93 agents ont été inculpés depuis 2005, selon Philip Stinson, criminologue à l'université de Bowling Green State. «Et seulement un tiers d'entre eux ont été condamnés», a-t-il ajouté à la radio NPR.

Plusieurs villes américaines se sont embrasées ces dernières années après des bavures policières dont les Afro-Américains étaient les victimes, donnant naissance au mouvement «Black Lives Matter».

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Laquan McDonald