Des juges de l'immigration américains affirment subir la pression croissante de l'administration Trump pour accélérer les expulsions de migrants, sous peine de se voir retirer leurs dossiers.

Un juge de Philadelphie, Steven Morley, a ainsi été informé par courriel que le dossier d'un jeune sans-papier guatémaltèque dont il avait la charge avait été réassigné à un autre tribunal afin qu'il soit clos plus rapidement.

L'Association nationale des juges de l'immigration (NAIJ) a déposé le 8 août une réclamation auprès du département de la Justice (DoJ) pour ce qu'elle considère comme une «atteinte à [son] autorité».

«Le coeur du métier de juge passe par sa capacité à prendre des décisions sans l'intervention de facteurs extérieurs essayant de l'influencer», a déclaré à l'AFP la présidente de la NAIJ, Ashley Tabaddor.

Aux États-Unis, les tribunaux de l'immigration ne dépendent pas du pouvoir judiciaire, mais de l'exécutif. Leurs juges sont désignés par le secrétaire de la Justice, qui peut aussi les limoger.

En accord avec la ligne dure de Donald Trump, le secrétaire américain de la Justice Jeff Sessions a annoncé en début d'année que les juges de l'immigration seraient évalués en fonction du nombre de dossiers qu'ils parvenaient à clore.

Motivée par l'engorgement du système - des centaines de milliers de procédures étant en cours -, cette mesure est, selon la présidente de la NAIJ, source «d'anxiété et de préoccupation» pour les juges de l'immigration.

«Ce n'est pas l'usine [...]. Nous traitons de cas extrêmement compliqués à un rythme expéditif, comme s'il s'agissait d'infractions routières, alors que ce qui est en jeu est extrêmement important», a appuyé la présidente honoraire du syndicat, Dana Leigh Marks.

Un porte-parole du Bureau exécutif d'examen des dossiers d'immigration (EOIR), dépendant du DoJ, a fait savoir que le juge Morley avait été dessaisi de son dossier en raison d'«infractions potentielles aux procédures et aux pratiques régies par la loi fédérale et le règlement de l'EOIR».

Il n'a pas donné plus de détails, précisant seulement qu'une enquête interne était en cours.

Selon Dana Leigh Marks, les tribunaux de l'immigration ont depuis toujours fait l'objet de pressions de la part de l'administration américaine, y compris celle du prédécesseur de Donald Trump, Barack Obama.

Mais cela n'a «jamais été aussi prononcé qu'aujourd'hui», dénonce-t-elle, soulignant que le gouvernement actuel «franchit volontiers toutes les lignes».