Il a été un redoutable procureur et un maire de New York admiré de tous après les attentats du 11-Septembre. Mais depuis qu'il a rejoint l'équipe d'avocats de Donald Trump, les critiques pleuvent sur Rudy Giuliani, dont beaucoup affirment qu'il aggrave les déboires judiciaires du président.

Dès l'annonce de son entrée dans l'équipe Trump le 19 avril, ce vieux routier de la politique new-yorkaise, qui se fit connaître en poursuivant avec succès les patrons de la mafia comme les puissants de Wall Street, avait surpris en disant vouloir mettre une fin rapide, dans « une semaine ou deux », à la tentaculaire enquête du procureur spécial Robert Mueller sur une éventuelle collusion russe avec l'équipe de campagne de Trump.

Mercredi, il a lâché une bombe, en déclarant sur la chaîne Fox News, favorite de Trump, que le président avait en fait remboursé les 130 000 dollars versés par l'un de ses avocats à son ex-maîtresse présumée Stormy Daniels en échange de son silence sur leur liaison en 2006.

Une déclaration qui contredisait les affirmations précédentes de Trump selon lesquelles il n'était pas au courant de ce paiement et n'avait jamais eu de liaison avec elle.

Les explications a posteriori de cet homme de 73 ans, reconverti dans le lobbying et le conseil en cybersécurité après une piteuse campagne pour la présidentielle 2008, n'ont fait que renforcer l'impression d'une erreur stratégique, soulignée par nombre d'experts en droit.

Vendredi, Donald Trump a semblé se distancier de son ami de plus de 30 ans, soulignant que celui-ci avait seulement commencé à travailler sur le dossier la veille.

« Il va vérifier ses affirmations », « il n'y a pas de contradiction », a affirmé le président avant de s'envoler pour le Texas. Peu après, Giuliani publiait un communiqué visant à « clarifier » ses précédentes déclarations.

« Immensément imprévisibles »

Giuliani « avait la réputation d'avoir l'esprit très acéré quand il était - il y a des années - procureur fédéral de New York. Mais on peut se demander s'il a encore ces compétences, sur la base de sa performance des deux derniers jours », a indiqué à l'AFP Rick Hasen, professeur de droit à l'Université de Californie d'Irvine.

« Parler publiquement comme ça, ce n'est pas l'approche prudente d'un avocat que je voudrais avoir si j'étais Trump. On attend mieux d'un avocat de haut vol ».

« Il a beaucoup évolué depuis les années où il était procureur et maire. Il a toujours été véhément, toujours aimé choquer avec des déclarations provocantes, mais il y avait quelque chose de plus stratégique, de plus contrôlé », a souligné Andrew Kirtzman, auteur d'une biographie Rudy Giuliani : Emperor of the City (2000).

« Je me suis demandé quelle influence il aurait sur Trump, s'il allait le remonter ou au contraire le calmer : ce qu'on a vu depuis 24 heures, c'est qu'il alimente la colère de Trump », a-t-il estimé. « Ils sont tous les deux immensément imprévisibles ».

Mais un ancien procureur fédéral a estimé prématuré de juger Giuliani.

« L'implication de Giuliani [dans l'équipe d'avocats de Trump] est trop récente pour savoir exactement quelle est la stratégie à long terme à ce stade », a indiqué cet avocat sous couvert d'anonymat. « Je pense que c'est une erreur de tourner en ridicule un avocat expérimenté ».

Alors que les ennuis judiciaires du président s'accumulent et que son équipe d'avocats ne cesse d'être remaniée, beaucoup se demandent aussi combien de temps Giuliani, que Trump envisagea un temps de nommer secrétaire d'État, restera aux côtés du président.

« Tous ceux qui travaillent pour Trump ont potentiellement un poste de courte durée », souligne Rick Hasen.

« Je pense qu'il a été embauché comme une couverture de sécurité pour Trump, à un moment où Trump désespère un peu face à l'enquête » de Robert Mueller, a souligné M. Kirtzman. « Ce n'est pas une relation qui va forcément durer des années ».

Malgré les difficultés de Giuliani, Rick Hasen voit dans l'arrivée à la Maison-Blanche d'un autre avocat, Emmet Flood, la possibilité qu'émerge enfin une bonne stratégie de défense du président.

« C'est de ce genre d'avocats dont Trump a besoin », a-t-il estimé, « quelqu'un issu d'un grand cabinet, habitué aux affaires sensibles et capable de définir la meilleure stratégie pour son client ».