Des foules immenses d'Américains sont descendues samedi dans la rue aux quatre coins des États-Unis, pour une manifestation historique contre les armes à feu, avec la jeunesse en fer de lance.

À Washington, une marée humaine a investi les avenues entre la Maison-Blanche et le Capitole. Il y avait 800 000 personnes, selon les organisateurs cités par NBC. À New York, ils étaient 175 000 dans les rues, selon le maire Bill de Blasio.

«Plus jamais ça!» était le mot d'ordre fédérant ces adultes et adolescents, exaspérés par la répétition des fusillades dans les écoles. Oscillant entre recueillement et revendications politiques, ils ont affiché une détermination tournée vers l'avenir.

Cristallisant cette émotion, la petite fille de Martin Luther King, âgée de seulement 9 ans, a lancé un appel vibrant, suscitant l'admiration des manifestants.

S'inspirant du célèbre discours de son grand-père, Yolanda Renee King a lancé: «Je fais un rêve dans lequel trop c'est trop. Il ne devrait pas y avoir d'armes dans ce monde».

L'événement national, baptisé «March for Our Lives» --»Marchons pour nos vies»--, est une réaction au massacre le 14 février de 17 personnes dans un lycée de Floride.

D'origine spontanée, cette initiative est devenue la plus grande manifestation contre les armes de l'histoire des États-Unis.

«Rangez-vous de notre côté ou gare aux électeurs qui se profilent!», a mis en garde Cameron Kasky, un élève ayant survécu à la tuerie.

Des centaines de marches se sont déroulées dans d'autres villes des États-Unis et dans le monde avec, partout, les jeunes comme force d'impulsion.

À New York, Atlanta, Chicago, Dallas, Houston, St. Paul Nashville, Seattle ou Los Angeles mais aussi notamment à Londres, Montréal, Ottawa ou Edimbourg, les habitants sont sortis en nombre.

Ils ont crié leur frustration, alimentée par l'inaction des législateurs et des pouvoirs publics, réticents à agir contre la National Rifle Association (NRA), le puissant lobby des armes.

«Faisons primer les USA sur la NRA», a lancé à Washington David Hogg, un lycéen devenu l'un des porte-voix du mouvement, en appelant à se mobiliser dans les urnes.

La possibilité de détenir une arme à feu est considérée par des millions d'Américains comme un droit constitutionnel aussi fondamental que la liberté d'expression.

Cependant, cette fois, la tuerie commise par un ancien élève perturbé psychologiquement dans la ville de Parkland a soudé des lycéens s'identifiant comme «survivants»: depuis cinq semaines, ils sont omniprésents dans les médias.

«Si vous tendez l'oreille, vous pouvez entendre que les personnes au pouvoir tremblent», a insisté David Hogg. «Nous allons en faire une question de vote, dans chaque élection, dans chaque Etat, dans chaque ville».

Pas de changement en vue

Dans un autre moment fort à Washington, Emma Gonzalez, une lycéenne rescapée des tirs à Parkland, a rendu un hommage bouleversant à ses camarades disparus.

La lycéenne a ensuite conservé le silence durant quatre minutes et demi sur scène.

Les armes font plus de 30 000 morts par an aux États-Unis, où la jeunesse scolarisée est parfois présentée comme la «génération mass shooting» ou la «génération Columbine», du nom d'une école secondaire du Colorado où deux élèves ont tué douze de leurs camarades de classe et un professeur en 1999.

Ces jeunes ont vécu la totalité de leur scolarité avec cette menace permanente, spécifique aux États-Unis.

Année après année, ils ont vu leurs élus faire la sourde oreille ou, récemment, le président Donald Trump proposer d'armer leurs enseignants.

«Nous sommes les gens qui ont peur d'aller à l'école tous les jours parce que nous ne savons pas si nous serons les prochains», a rappelé Lauren Tilley, 17 ans, venue spécialement de Californie pour l'événement.

Dans le rassemblement géant au coeur de la capitale fédérale, une forêt de pancartes affichaient des slogans tels que: «J'enseigne avec des livres, non des armes» ou «Votre droit à détenir une arme ne l'emporte pas sur mon droit à rester vivant».

«Notre message, c'est que nous n'allons pas rester silencieux, nous allons continuer à nous battre», a assuré Lauren.

Le mouvement est soutenu par de nombreuses personnalités.

Ariana Grande, Jennifer Hudson, Demi Lovato et Miley Cyrus sont ainsi montées sur la scène dressée à Washington sur Constitution Avenue.

Parmi les autres vedettes soutenant les lycéens de Parkland figurent Justin Bieber, George Clooney, Steven Spielberg, Justin Timberlake ou Oprah Winfrey.

Le succès de la «March for Our Lives» ne doit pas faire oublier que l'exécutif et le législatif américains restent très peu disposés à bouger sur les armes.

M. Trump a répété vendredi sa volonté d'interdire les «bump stocks», des accessoires permettant de tirer en rafales, une mesure de portée très marginale. Son gouvernement refuse d'interdire les fusils d'assaut.

«J'espère (que les jeunes) ont bien à l'esprit qu'ils s'inscrivent dans un mouvement social sur le long terme. Ils n'obtiendront pas justice dans un Congrès contrôlé par les républicains», a averti le sénateur démocrate Chris Murphy, interrogé par l'AFP.

«Changez la législation sur les armes ou changez le Congrès», disait d'ailleurs une pancarte brandie par une manifestante à New York, où des milliers de personnes se sont rassemblées le long de Central Park.

À Parkland, en Floride, des milliers de personnes se sont réunies samedi dans un parc proche du lycée Marjory Stoneman Douglas, le lieu du drame. «Ces 17 personnes ne sont pas mortes pour rien», a affirmé Casey Sherman, 17 ans.

«Nous voterons en 2020», a prévenu la lycéenne Lauren Tilley. «Notre génération veut du changement».

PHOTO ERIC BARADAT, AGENCE FRANCE-PRESSE

Un garçon montre une affiche préparée en vue de la manifestation historique contre les armes à feu organisée à Washington, le 23 mars.

PHOTO AARON P. BERNSTEIN, REUTERS

L'événement national, baptisé « March for Our Lives » est une réaction spontanée au massacre le 14 février de 17 personnes dans une école secondaire de Floride.

Des démocrates donnent leur appui sur Twitter