La justice américaine a mis la Russie et le Kremlin sur la sellette vendredi en inculpant 13 Russes, dont un proche de Vladimir Poutine, pour avoir favorisé la candidature de Donald Trump à l'élection présidentielle de 2016.

Moscou a aussitôt qualifié d'« absurde » cet acte d'accusation qui ne mentionne toutefois aucune connivence entre l'équipe de campagne du candidat républicain et le gouvernement russe.

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« La campagne Trump n'a rien fait d'illégal - pas de collusion », a pour sa part réaffirmé le président américain dans un tweet.

PHOTO JACQUELYN MARTIN, ASSOCIATED PRESS

Le numéro deux du département américain de la Justice, Rod Rosenstein

Tous les inculpés, 13 ressortissants russes et trois sociétés, sont accusés de complot en vue de tromper les États-Unis, trois d'entre eux sont accusés également de fraude bancaire et cinq autres de vol aggravé d'identité, selon un communiqué du procureur spécial chargé de ce dossier, Robert Mueller.

Le N.2 du département de la Justice, Rod Rosenstein, a souligné qu'aucun Américain n'avait « participé sciemment à cette activité illégale » et qu'il n'existait pas d'indication que le résultat de l'élection avait été faussé.

>>> Cliquez ici pour lire l'acte d'accusation (en anglais)

« Les accusés auraient mené ce qu'ils appellent une guerre de l'information contre les États-Unis, avec le but affiché de répandre la méfiance à l'encontre des candidats et du système politique en général », a affirmé M. Rosenstein.

La campagne était dirigée depuis la Russie par une société baptisée « Agence de Recherche sur Internet » et financée par Evguéni Prigojine, un proche du président russe Vladimir Poutine. Les 12 autres inculpés sont des dirigeants de l'Agence.

M. Prigojine est surnommé le « chef » de M. Poutine, car sa société Concord s'occupe de la restauration lors des réceptions au Kremlin. Cette société, visée par l'acte d'accusation, fait déjà l'objet de sanctions américaines.

Evguéni Prigojine s'est dit « pas du tout contrarié de figurer sur cette liste ». Si les Américains « veulent voir (en moi) un diable, laissez-les faire », a-t-il déclaré à la presse russe.

Selon l'acte d'accusation, l'Agence, basée à Saint-Pétersbourg, a soutenu à partir de la mi-2016 la campagne de M. Trump et dénigré la candidate démocrate Hillary Clinton.

Manifestations simultanées

Le groupe, « se faisant passer pour des ressortissants américains et créant de faux personnages », a administré des comptes sur les réseaux sociaux - Facebook, Twitter, YouTube et Instagram - qui « traitaient de questions politique et sociale clivantes », comme l'immigration ou la religion.

Il aurait notamment créé un faux compte du parti républicain dans le Tennessee qui a attiré plus de 100 000 abonnés, ou des faux comptes de militants musulmans et de la cause noire. Quelques jours avant le scrutin, ces comptes avaient appelé à ne pas voter pour Mme Clinton alors que ces communautés étaient majoritairement favorables à la candidate démocrate.

L'Agence aurait aussi contacté « à son insu » un volontaire de l'équipe de M. Trump, qui aurait fourni gratuitement du matériel de campagne.

Et elle aurait également organisé et financé, à l'aide de comptes bancaires américains frauduleux, des rassemblements de partisans de M. Trump.

La campagne aurait continué après l'élection, avec notamment l'organisation simultanée de deux manifestations de partisans et d'adversaires de M. Trump à New York, le 12 novembre 2016.

« Des centaines de personnes » ont participé à cette vaste campagne de déstabilisation dotée d'un budget de plusieurs millions de dollars, selon l'acte d'accusation.

La presse russe a déjà évoqué l'« Agence de Recherche sur Internet », créée en 2014 et qui serait liée au renseignement russe. Dans un premier temps utilisés à des fins de politique intérieure, les « trolls russes » ont été réorientés à partir de 2015 pour cibler les États-Unis.

M. Mueller cherche à établir si la Russie a interféré dans l'élection présidentielle pour aider Donald Trump à battre Hillary Clinton, si son équipe de campagne s'est entendue avec la Russie et si M. Trump a tenté de faire obstacle aux investigations.

Trois membres de l'équipe de campagne de M. Trump, dont son ex-directeur Paul Manafort, ont été mis en accusation et l'ancien conseiller du président à la sécurité nationale Michael Flynn a reconnu avoir menti au FBI et accepté de coopérer avec la justice.

Les principaux services de renseignement -- dont la CIA et la NSA -- et le FBI ont déjà dénoncé l'ingérence russe dans la présidentielle de 2016, via des campagnes sur les réseaux sociaux et le piratage d'informations provenant du camp démocrate.