Donald Trump a beau avoir affiché dans son premier discours sur «l'état de l'Union» une politique de la main tendue vis-à-vis de ses adversaires démocrates, il a repris sa rhétorique de fermeté sur l'immigration, se compliquant la tâche pour arracher un accord crucial ces prochains jours.

La perspective de trouver une entente sur ce terrain miné s'est éloignée après cette intervention du président devant un Congrès plus polarisé que jamais, ont commenté mercredi plusieurs élus de l'opposition.

Il y a pourtant une double urgence: le président américain a annoncé la fin, le 5 mars, du programme Daca (Deferred Action for Childhood Arrival) qui permet à 690 000 jeunes «Dreamers», entrés clandestinement aux États-Unis, de travailler et étudier en toute légalité.

Encore plus pressant est le sursis budgétaire dans lequel se trouve le gouvernement: les sénateurs démocrates ont accepté à contrecoeur le 22 janvier un compromis temporaire pour financer l'administration fédérale, mais cette rallonge permet de tenir seulement jusqu'au 8 février.

À nouveau il va falloir négocier pour éviter un «shutdown» et, cette fois, difficile d'imaginer un soutien des démocrates sans garantie d'avancées sur les dossiers auxquels ils tiennent: la naturalisation des «Dreamers», et la possibilité de regroupement familial pour les migrants acceptés sur le territoire américain.

Tout est donc réuni pour une épreuve de force ces prochains jours, entre deux camps solidement campés sur leurs positions. Ceci, sur fond d'indignation durable causée par la récente utilisation par M. Trump de mots vulgaires dénigrant des pays pauvres à l'origine de flux migratoires.

Occasion d'apaisement ratée

Le discours présidentiel mardi soir au Capitole aurait pu être l'occasion d'un apaisement, le ton général étant d'ailleurs conciliant. Mais, sur le thème de l'immigration, Donald Trump a voulu davantage rassurer sa base la plus conservatrice que faire un pas vers ses opposants.

«Pendant des décennies, les frontières ouvertes ont permis à la drogue et aux gangs de déferler sur nos populations les plus vulnérables. Elles ont permis à des millions de travailleurs mal payés d'entrer en concurrence pour les emplois et les salaires avec les Américains les plus pauvres. Encore plus tragiquement, elles ont coûté la perte de nombreuses vies innocentes», a déploré Donald Trump.

«Il s'agit d'une rhétorique qui divise», a réagi mercredi le sénateur démocrate Chris Murphy, sur l'antenne de la radio NPR.

«Cela ne nous rapproche pas d'un accord sur l'immigration ou le budget fédéral. Cela nous en éloigne», a-t-il ajouté, en liant clairement ces deux points de contentieux.

«On n'avance pas», a également commenté la représentante démocrate Jackie Speier, en agitant le spectre d'un «shutdown».

La Maison-Blanche a présenté la semaine dernière un projet sur l'immigration qu'elle aimerait voir adopté par le Congrès. Il prévoit une processus de naturalisation, d'une durée de 10 à 12 ans, pour 1,8 million de migrants, parmi lesquels les «Dreamers» ayant bénéficié du programme Daca.

Confrontation à prévoir

Mais cette concession de taille s'accompagne de contreparties qui hérissent une bonne partie des démocrates: un engagement de financement de 25 milliards de dollars pour la construction d'un mur frontalier avec le Mexique; une forte restriction de l'immigration légale, notamment l'abrogation de la loterie de cartes vertes; la fin de la possibilité de regroupements familiaux élargis; enfin la recherche assumée d'une immigration fondée «sur le mérite».

«Pendant plus de 30 ans, Washington a tenté et échoué à résoudre ce problème (d'immigration)», a plaidé Donald Trump, face à 25 «Dreamers» invités au Congrès par des parlementaires démocrates. Lui-même avait convié les parents de deux filles assassinées par un gang hispanique.

«L'heure est venue», a-t-il exhorté, «de faire enfin entrer notre système d'immigration dans le XXIe siècle».

Il faudra visiblement plus que ces déclarations de bonne intention pour rallier l'opposition.

«Hélas, le président Trump a poursuivi sa politique migratoire de prise d'otages, en associant une voie de naturalisation pour les Dreamers à des politiques qui déchirent des familles et terrorisent les populations immigrées», a regretté le sénateur démocrate Richard Blumenthal.