Donald Trump a décidé de garder le centre de détention controversé de Guantanamo et envisage d'y incarcérer de nouveaux détenus, accordant une deuxième vie à cette prison décriée par les défenseurs des droits de l'homme.

Dans son premier discours sur l'état de l'Union mardi soir, le président américain a prévenu que pour les djihadistes du groupe État islamique (EI) faits prisonniers en Syrie et en Irak, «ce sera maintenant Guantanamo Bay».

Il a annoncé avoir signé un décret ordonnant au ministre de la Défense Jim Mattis «de réexaminer notre politique d'incarcération militaire et de maintenir ouvertes les installations carcérales de Guantanamo Bay», une nette rupture avec les tentatives répétées et finalement vaines de son prédécesseur Barack Obama de fermer le site controversé.

Le décret précise que Guantanamo pourra se révéler utile pour détenir des djihadistes de l'EI, dont plusieurs centaines ont été capturés en Syrie par les Forces démocratiques syriennes (FDS), alliés de la coalition internationale antidjihadiste.

Les militaires américains ont commencé récemment à évoquer les prisonniers de l'EI actuellement détenus par des alliés des États-Unis. «Ils se comptent maintenant par centaines», indiquait il y a peu le chef d'état-major adjoint, le général Paul Selva.

Les États-Unis tentent de négocier leur renvoi vers leur pays d'origine mais certains pays ne reconnaissent pas les FDS et refusent de coopérer avec ces forces, a indiqué le porte-parole de la coalition, le colonel Ryan Dillon. «C'est un problème mondial qu'il faut régler», a-t-il ajouté.

Pour autant, aucun transfert de prisonniers n'est prévu dans l'immédiat, a indiqué une porte-parole du Pentagone, le commandant Sarah Higgins. «Nous n'ajoutons pas, à ce stade, de personnel» sur la base.

Un des premiers cas examinés pourrait être celui d'un combattant de l'EI de nationalité américaine détenu en Irak depuis plus de trois mois, après avoir été capturé par les FDS le 12 septembre et remis aux forces armées américaines. Son nom reste un mystère, et seule la Croix-Rouge a pu le rencontrer, deux fois, le 29 septembre et le 23 octobre.

Détention indéfinie

Située sur une base navale appartenant aux États-Unis, à la pointe est de l'île de Cuba, le centre de détention et d'interrogatoires de Guantanamo incarne les excès dans la lutte antiterroriste des États-Unis, hors du système judiciaire américain.

Au plus fort de son activité, 780 personnes y ont été détenues pour leurs liens présumés avec Al-Qaïda et les talibans, sous le statut de «combattant ennemi», ce qui les a exclus de la Convention de Genève relative aux prisonniers de guerre et a fait peser de forts soupçons de torture à leur encontre.

Une dizaine seulement ont été jugés, les autres ayant été libérés, parfois totalement innocentés. Seuls 41 prisonniers sont encore détenus à Guantanamo, dont 23 sans chef d'accusation.

Sur les 693 prisonniers libérés depuis 2002, le gouvernement américain évalue à 17% la proportion des récidivistes que les États-Unis ont retrouvés plus tard sur le champ de bataille, selon le dernier rapport sur le sujet des services de renseignement américains.

Selon les défenseurs des droits, les dures conditions de détention et les techniques d'interrogation «renforcées» de l'armée américaine ont contribué à radicaliser nombre d'entre eux, comme Abou Bakr al-Baghdadi, qui après sa libération de camps de détention américains en Irak, est devenu le dirigeant de l'EI.

«En essayant de donner une deuxième vie à une prison qui symbolise la plongée des États-Unis dans la torture et la détention indéfinie, illégale, Trump ne vas pas rendre le pays plus sûr», a souligné dans un communiqué la grande association américaine de défense des droits civiques ACLU.

En outre, l'entretien du camp de Guantanamo coûte 445 millions de dollars par an, beaucoup plus qu'une prison de haute sécurité aux États-Unis, ajoute l'ACLU.

Mais plusieurs élus se sont félicités de cette décision, notamment le sénateur républicain de l'Oklahoma James Inhofe, qui considère Guantanamo comme «l'un des meilleurs outils, et des plus efficaces, de la lutte anti-terroriste».

«Beaucoup trop de terroristes libérés de Guantanamo sont repartis se battre et ont menacé directement la sécurité des militaires américains et de nos citoyens dans le monde entier», a renchéri le sénateur républicain de Floride Marco Rubio.