Les États-Unis ont publié mardi une liste de personnalités influentes et oligarques russes menacés de sanctions «dans un futur proche», accueillie avec ironie et colère à Moscou où l'on regrette un nouveau coup porté aux relations américano-russes.

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Cette «liste du Kremlin», comme l'ont surnommée les médias russes, était attendue : le Congrès américain avait réclamé à l'administration de Donald Trump un «rapport détaillé» sur ces personnalités proches du président russe Vladimir Poutine, dans le cadre d'une loi adoptée l'été dernier pour punir la Russie après les accusations d'ingérence dans l'élection présidentielle américaine, mais aussi pour son attitude en Ukraine.

Mais le Trésor n'a, dans l'immédiat, pas accompagné de nouvelles sanctions ce document de 210 noms (96 hommes d'affaires et 114 responsables politiques), dont le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, le premier ministre Dmitri Medvedev, de hauts responsables du renseignement ou des dirigeants d'entreprises publiques, comme le géant de l'énergie Rosneft et la Sberbank.

D'où une réaction mitigée à Moscou.

Vladimir Poutine a dénoncé «un acte inamical» qui «complique les relations russo-américaines, déjà dans un état difficile». Mais, en pleine campagne pour sa réélection en mars, il a ironisé sur le caractère un peu fourre-tout de cette liste, dont il apparaît au final comme le grand absent: «C'est vexant», a-t-il lancé.

La liste comprend de fait toutes les personnalités classées milliardaires en dollars par le magazine Forbes, sans distinction de proximité réelle avec le pouvoir ou de fonction officielle. Un porte-parole du Trésor a reconnu qu'elle s'inspire de plusieurs sources, dont Forbes, mais a souligné qu'un rapport «classé confidentiel», plus complet et plus précis, a également été remis aux parlementaires américains.

L'ancien ambassadeur américain à Moscou Michael McFaul, en poste sous Barack Obama, s'est étonné sur Twitter d'un document qui comporte aussi bien des hommes d'affaires «très proches de Poutine» que d'autres sans liens réels avec le pouvoir: «Visiblement, il n'y a pas eu beaucoup de travail réalisé pour distinguer ces deux catégories».

«Effet dissuasif» 

De son côté, le département d'État américain qui devait, selon la même loi de l'été dernier, punir ceux qui commercent avec des sociétés d'armement russe, a renoncé à ce stade à imposer de telles sanctions. La loi a d'ores et déjà eu «un effet dissuasif» sur les ventes d'armes russes, a justifié lundi la diplomatie américaine, et il est donc «inutile» de passer à l'acte comme le craignait Moscou.

Des élus américains, notamment démocrates, ont déploré un «copier-coller de Forbes» qui «manque de sérieux». Le sénateur démocrate Ron Wyden a ainsi critiqué le «refus» de l'administration Trump «de prendre des mesures immédiates» contre les proches du «régime hors-la-loi» de Vladimir Poutine. Et ce, a-t-il souligné, au moment où le patron de la CIA Mike Pompeo vient de mettre en garde contre l'intention de la Russie d'interférer aussi dans les élections législatives de mi-mandat prévues à l'automne prochain.

Face aux critiques, le secrétaire au Trésor Steve Mnuchin a affirmé que des «sanctions supplémentaires» seraient prises «dans un futur proche», «peut-être dans un mois», sur la base de «l'important volume de travail que la communauté du renseignement a réalisé».

La loi à l'origine de cette «liste du Kremlin» avait été promulguée à contre-coeur par Donald Trump, incapable de réconcilier l'Amérique avec la Russie malgré ses promesses. Au contraire, les relations entre les deux grandes puissances se trouvent à leur plus bas niveau depuis la Guerre froide, aggravées par l'enquête sur des soupçons de collusion, avant l'élection présidentielle, entre l'équipe de campagne du milliardaire républicain et le Kremlin.

Dans la seule journée de lundi, les États-Unis ont ainsi plus ou moins fermement dénoncé l'attitude de Moscou dans la crise ukrainienne, le processus de paix syrien, la «répression» des opposants russes ou encore dans la mise en oeuvre des sanctions contre la Corée du Nord.

Pour autant, Vladimir Poutine est resté sur sa ligne consistant à ne pas mettre en cause directement le président américain, qu'il a une nouvelle fois présenté mardi comme l'otage de ses adversaires politiques. Et il assuré ne pas vouloir «aggraver la situation» en relançant la guerre des sanctions.

«Nous étions prêts à prendre des mesures de représailles, assez sérieuses, qui auraient réduit nos relations à zéro. Mais nous allons pour l'instant nous retenir de prendre ces mesures», a-t-il dit.