Le Sénat américain, à majorité républicaine, n'a pas réussi lundi à ouvrir les débats sur une proposition de loi controversée qui visait à interdire tout avortement au-delà de 20 semaines de grossesse.

La quasi-totalité des sénateurs républicains a voté en faveur d'une motion qui aurait mis le texte à l'ordre du jour du Sénat, mais l'opposition démocrate, quasiment unanime, a voté contre, torpillant la proposition. Une majorité qualifiée des trois cinquièmes, soit 60 voix sur 100, était nécessaire; le vote final a été de 51 contre 46.

Les républicains étaient conscients que leur texte n'avait aucune chance d'avancer. Leur objectif réel était de mettre en difficultés certains démocrates sortants issus d'États conservateurs, où les habitants sont moins favorables à l'IVG que dans des régions plus progressistes. Nombre d'entre eux briguent un nouveau mandat en novembre prochain. Seulement trois démocrates se sont finalement joints aux républicains.

«Vous êtes du bon côté de l'histoire. Vous êtes du côté où l'Amérique se retrouvera un jour, ce n'est qu'une question de temps», a dit le sénateur Lindsey Graham, auteur du texte.

Donald Trump qui avait récemment montré un soutien appuyé aux militants anti-avortement en prononçant un discours vidéodiffusé lors de leur marche annuelle à Washington, a jugé le vote du Sénat «décevant», appelant à «défendre ceux qui ne peuvent pas se défendre eux-mêmes».

«Le vote du Sénat rejette des faits scientifiques et place les États-Unis à l'écart de la famille des nations au sein de laquelle seuls 7 pays sur 198, dont la Chine et la Corée du Nord, autorisent l'avortement après 20 semaines de grossesse», a fait valoir M. Trump dans un communiqué où il réclame aux sénateurs de passer une loi qui «célèbre, chérit et protège la vie».

Certains républicains ont nommé le texte en l'honneur de Micah Pickering, un garçon aujourd'hui âgé de cinq ans, né prématurément à 22 semaines de grossesse. «Il prouve ce qui peut arriver quand nous donnons une chance à la vie», a martelé le chef de majorité, Mitch McConnell.

Mais les démocrates ont vivement dénoncé une proposition de loi électoraliste et contraire à la Constitution, selon eux.

«Encore un exemple d'hommes qui prennent les décisions sur la santé des femmes en fonction d'une idéologie politique», a dit la démocrate Dianne Feinstein. «Il est temps que le droit d'une femme à décider de sa santé et de son destin soit respecté.»

Le droit à l'avortement dans tous les États-Unis date de 1973, par une décision de la Cour suprême qui a fixé comme limite le point de «viabilité» du foetus, et non un nombre spécifique de semaines, se référant plutôt au consensus médical de 24 à 28 semaines.

Selon l'institut Gallup en mai 2017, 29% des Américains sont favorables au droit à l'avortement en toute circonstance et 50% sous certaines circonstances, tandis que 18% souhaitaient l'interdire absolument.

Les autorités sanitaires américaines estimaient à 1,3% la proportion d'avortements pratiqués après 20 semaines de grossesse aux États-Unis en 2009.

La stratégie des conservateurs a consisté, depuis plusieurs années, à faire adopter au niveau des États des lois de plus en plus restrictives, et retoquées régulièrement par la justice fédérale.

Le stade des 20 semaines est justifié par eux comme le moment à partir duquel les foetus peuvent ressentir de la douleur, ce que contestent des études scientifiques qui fixent le développement du système nerveux à partir du troisième trimestre.