Le président américain Donald Trump a contesté vendredi avoir utilisé, lors d'une réunion sur l'immigration, l'expression « pays de merde » qui a suscité une vague d'indignation aux États-Unis et à travers le monde.

C'est, comme souvent, via Twitter et à l'aube que le locataire de la Maison-Blanche a réagi à cette nouvelle polémique sur ses propos, qualifiés de « choquants et honteux » par l'ONU.

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S'appuyant sur des personnes présentes lors de la réunion de jeudi à la Maison-Blanche, plusieurs médias américains ont cité le président dénonçant l'immigration en provenance de « pays de merde » tels que Haïti ou des pays africains.

« Le langage que j'ai utilisé lors de la réunion était dur mais ce ne sont pas les mots utilisés », a répondu le milliardaire.

Donald Trump a utilisé « plusieurs fois » l'expression de « pays de merde » au cours d'une réunion sur l'immigration jeudi à la Maison-Blanche, a affirmé vendredi le sénateur démocrate Dick Durbin, qui y assistait.

« Il a prononcé ces mots remplis de haine et il les a prononcés plusieurs fois », a déclaré le sénateur, remettant en cause le démenti tweeté par le président vendredi matin.

M. Trump a aussi affirmé dans un tweet n'avoir « jamais dit de mal des Haïtiens ».

« Je n'ai jamais dit quelque chose d'insultant sur les Haïtiens outre le fait que, et c'est une évidence, Haïti était un pays très pauvre et en difficulté. Je n'ai jamais dit "virez-les". Inventé par les Dem [l'opposition démocrate, NDLR]. J'ai une relation merveilleuse avec les Haïtiens », a tweeté le président américain, ajoutant qu'il devrait probablement enregistrer ses réunions.

Sollicitée jeudi soir sur ces propos, la Maison-Blanche n'avait pas contesté ou démenti.

« Certaines personnalités politiques à Washington choisissent de se battre pour des pays étrangers, mais le président Trump se battra toujours pour le peuple américain », avait-elle simplement répondu par la voix de son porte-parole.

Cette polémique intervient au moment où Donald Trump tente de se poser en négociateur en chef sur le dossier - politiquement sensible - de l'immigration.

Les « Rêveurs » et le mur

Au coeur des débats : la régularisation de centaines de milliers de clandestins arrivés jeunes aux États-Unis, et dont le statut temporaire accordé sous Barack Obama a été supprimé en septembre.

Quand M. Trump a abrogé le programme DACA, qui a permis à 690 000 jeunes sans-papiers de travailler et d'étudier en toute légalité, il avait donné jusqu'à mars au Congrès pour trouver une solution pérenne pour ces clandestins connus sous le nom de « Dreamers » (Rêveurs).

Mais il a lié toute régularisation à son projet de mur à la frontière avec le Mexique, auquel les démocrates se sont jusqu'à présent opposés fermement, le chantier étant pour eux un symbole xénophobe.

Outre la réalisation de cette promesse de campagne, M. Trump réclame deux autres contreparties : la suppression de la loterie annuelle de cartes vertes, et une réforme de l'immigration légale pour réduire le rapprochement familial.

« Je veux un système d'immigration fondé sur le mérite et des gens qui aideront notre pays à aller de l'avant », a-t-il martelé vendredi, dénonçant avec force le projet qui lui avait été présenté la veille. « Je veux la sécurité pour notre peuple », a-t-il asséné.

« Pourquoi est-ce que toutes ces personnes issues de pays de merde viennent ici ? », a demandé le président Trump lors des discussions jeudi, selon le Washington Post, qui cite plusieurs sources anonymes.

Selon elles, M. Trump faisait référence à des pays d'Afrique ainsi qu'à Haïti et au Salvador, expliquant que les États-Unis devraient plutôt accueillir des ressortissants de la Norvège.

« Pourquoi avons-nous besoin de plus d'Haïtiens ? », aurait encore demandé le président.

Membre du Congrès américain, le démocrate Luis Gutierrez a réagi en déclarant : « Nous pouvons dire maintenant avec 100 % de certitude que le président est un raciste qui ne partage pas les valeurs inscrites dans notre Constitution ».

Sa collègue républicaine Mia Love, d'ascendance haïtienne, a jugé dans un communiqué ces propos « désobligeants » et « inacceptables » de la part du président américain.

« Si c'est confirmé, il s'agit de commentaires choquants et honteux de la part du président des États-Unis. Désolé, mais il n'y a pas d'autre mot que "racistes" », a déclaré vendredi à Genève Rupert Colville, porte-parole du Haut commissariat pour les réfugiés.

Ces propos montrent le « pire côté de l'humanité, en validant et encourageant le racisme et la xénophobie », a-t-il asséné.

Des propos dénoncés

(Port -au-Prince, Genève et Nairobi) - Le gouvernement haïtien juge inacceptable les propos dénigrant Haïti prêtés à Donald Trump, les jugeant simplistes et racistes, dans un communiqué publié vendredi, jour anniversaire du séisme qui a fait 200 000 morts dans le pays en 2010.« Le gouvernement haïtien condamne avec la plus grande fermeté ces propos odieux et abjects qui, s'ils étaient avérés, seraient, à tous égards, inacceptables car ils refléteraient une vision simpliste et raciste totalement erronée », écrit le gouvernement. Le président américain a affirmé sur Twitter n'avoir « jamais dit de mal des Haïtiens ».

L'Afrique outrée

Les Africains ont réagi avec colère et amertume vendredi aux propos du président Trump. L'Union africaine (UA) a qualifié ces remarques de « blessantes » et « dérangeantes ».

« C'est d'autant plus blessant compte tenu de la réalité historique du nombre d'Africains qui sont arrivés aux États-Unis comme esclaves », a déclaré à l'AFP Ebba Kalondo, porte-parole du président de la Commission de l'UA Moussa Faki.

Mais l'Amérique, selon elle, est un « pays qui représente bien plus qu'un seul homme ou qu'une déclaration ».

Le Bostwana a annoncé vendredi avoir convoqué l'ambassadeur américain pour lui faire part « de son mécontentement ».

Et la ministre des Affaires étrangères du Botswana Pelonomi Venson-Moitoi a tweeté que les remarques de Trump ont porté un « coup cinglant » aux relations diplomatiques entre Washington et les pays africains.

L'ONU a jugé que les propos, rapportés par des médias, de Donald Trump à l'encontre de Haïti et de plusieurs nations africaines, qu'il a qualifiés de « pays de merde » lors d'une réunion à la Maison-Blanche, étaient « choquants », « honteux » et « racistes ».

« Commentaires choquants et honteux », juge l'ONU

« Si c'est confirmé, il s'agit de commentaires choquants et honteux de la part du président des États-Unis. Désolé, mais il n'y a pas d'autre mot que "racistes" », a déclaré le porte-parole du Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme, Rupert Colville, lors d'un point de presse à Genève.

« Ce n'est pas seulement une question de vulgarité du langage », a-t-il relevé, indiquant qu'il n'était pas tolérable de dénigrer de la sorte des nations et des continents entiers en les appelant « pays de merde » et de considérer que leur « population entière, qui n'est pas blanche, n'est pas la bienvenue ».

Ces propos montrent le « pire côté de l'humanité, en validant et encourageant le racisme et la xénophobie », a-t-il asséné.

La diplomatie américaine va assurer les capitales concernées

Washington - Les diplomates américains en poste en Afrique et en Haïti vont assurer les gouvernements locaux du « grand respect » des États-Unis, après la polémique sur des propos prêtés à Donald Trump les qualifiant de « pays de merde », a-t-on appris vendredi auprès du département d'État américain.

« Nous avons donné instruction à nos gens afin qu'ils réaffirment que nous avons un grand respect pour les Africains et tous les pays, et notre engagement reste fort », a déclaré à l'AFP un haut responsable du département d'État, Steve Goldstein.

À ce stade, les représentants des États-Unis en Haïti et au Botswana ont été convoqués par les gouvernements de ces pays pour des explications, selon le département d'État. Les propos controversés ont suscité une vague de condamnations.

« Si un pays veut voir notre chargé d'affaires ou notre ambassadeur, ils iront. Ils écouteront, c'est leur premier devoir d'écouter, et ils réaffirmeront le respect que nous avons pour ce pays », a ajouté Steve Goldstein. Les diplomates américains ont également été appelés à souligner « l'honneur » de servir dans leur pays d'affectation, et « l'attachement » des États-Unis pour leur « relation » avec ce pays.

Et si les gouvernements locaux demandent si Washington les considère effectivement comme un « pays de merde », la réponse sera « absolument pas ». « Nous considérons ces pays comme des partenaires », a insisté Steve Goldstein.

Ce haut responsable n'a pas souhaité commenter la teneur des propos prêtés à Donald Trump, constatant seulement que le président américain les avait partiellement contestés vendredi. Selon lui, « ce n'est pas le rôle » des diplomates américains « d'expliquer les mots du président des États-Unis ».