L'ex-archevêque de Boston Bernard Law, devenu symbole du silence de l'Église face aux prêtres pédophiles, est mort mercredi, ravivant la colère des victimes et poussant son successeur à présenter des excuses.

Le pape François a indiqué «prier pour le repos de l'âme» de celui qui fut longtemps un puissant cardinal, décédé à 86 ans d'une «longue maladie».

Le pape - qui doit clôturer jeudi les funérailles du prélat, dénoncées par certaines victimes - n'a pas mentionné le retentissant scandale de pédophilie qui avait poussé Bernard Law à se réfugier au Vatican après avoir démissionné de l'archevêché de Boston fin 2002.

Quelques mois plus tôt, le cardinal avait notamment reconnu avoir protégé un prêtre, Paul Shanley, condamné pour des viols répétés sur un garçonnet dans les années 1980. Il a aussi été accusé d'avoir couvert un autre prêtre, John Geoghan, condamné à dix ans de prison après avoir été mis en cause par 130 victimes et mort étranglé en prison en 2003.

Des accusations au coeur d'une vaste enquête du Boston Globe, couronnée du prix Pulitzer avant d'être popularisée par le film «Spotlight» (2015): elle avait révélé comment la hiérarchie catholique de Boston, Bernard Law en tête, avait systématiquement couvert des abus sexuels commis par quelque 90 prêtres, des décennies durant.

Plusieurs victimes sorties du silence pour le Boston Globe ont témoigné, lors d'une conférence de presse mercredi à Boston, de leur colère encore à vif contre le cardinal, jamais jugé aux États-Unis.

«J'espère qu'il aura ce qu'il mérite en enfer», a notamment déclaré Alexa McPherson, qu'un prêtre tenta de violer quand elle était enfant, ajoutant qu'il «ne méritait pas de funérailles en bonne et due forme».

«J'ai 56 ans et je me débats encore avec tout ça tout le temps», a aussi déclaré Robert Costello, qui a subi des abus lorsqu'il était enfant de choeur. «J'espère que (Law) a souffert toute sa vie en sachant ce qu'il a fait, sachant que les gens attendaient de le voir ramené aux États-Unis pour le juger», a-t-il ajouté, estimant qu'il méritait de «mourir comme Oussama ben Laden.»

«J'espérais que sa mort tarirait une source de colère», a expliqué un autre rescapé, Phil Saviano. «Mais c'est comme si elle avait tout rouvert (...) Cela montre l'impact que cela a eu sur tant de gens, la colère qui couve depuis tant d'années.»

Excuses de son successeur

Le successeur du cardinal Law à Boston, Sean Patrick O'Malley, a reconnu dans un communiqué que sa mort remuait «un large éventail d'émotions» et présenté aux victimes «mes excuses sincères pour le mal causé, mes prières ininterrompues et ma promesse que l'archidiocèse les soutiendra dans leurs efforts pour parvenir à la guérison».

Le cardinal O'Malley avait rencontré des victimes de prêtres pédophiles dès sa nomination en juillet 2003 et a vendu la résidence de l'archevêque pour financer leur indemnisation, qui aurait approché les 4 milliards de dollars.

Il dirige aussi depuis 2014 la «Commission pontificale pour la protection des mineurs», censée faire des propositions sur la prévention, même si cette instance consultative a été vivement critiquée.

L'archidiocèse de Boston, l'un des plus importants des États-Unis, compte plus de deux millions de catholiques. En 60 ans, plus de 1000 enfants ont été victimes de 237 prêtres, selon un rapport du ministère de la Justice de l'État du Massachusetts.

Scandales pas terminés

Né au Mexique en 1931, passé par Harvard, Bernard Law avait débuté comme prêtre dans le Mississippi en 1961, participant au combat pour les droits civiques des Noirs.

Farouche opposant à l'avortement, il est nommé archevêque de Boston en 1984, puis cardinal par le pape Jean Paul II en 1985.

Malgré son départ pour Rome, où il avait obtenu la nationalité vaticane et avait été nommé archiprêtre de la basilique Sainte-Marie Majeure, la polémique l'avait poursuivi.

Deux représentantes de victimes d'abus sexuels par des prêtres américains avaient notamment protesté place Saint-Pierre contre la célébration d'une messe par le cardinal Law à la mémoire de Jean Paul II.

Le pape François, qui prône «une tolérance zéro», a recommandé aux évêques ayant protégé des pédophiles de démissionner. Mais l'obligation de dénonciation à la justice civile par les hiérarchies ecclésiastiques n'est pas inscrite dans le droit canon, malgré la multiplication de scandales impliquant l'Église à travers le monde.

Le dernier en date vise le numéro trois du Vatican, le cardinal australien George Pell. Chargé de réformer les finances du Vatican, il a été inculpé fin juin pour «agressions sexuelles anciennes» et mis «en congé» pour se défendre.

«Nous avons ouvert la boîte de Pandore à Boston», a estimé M. Costello. Le scandale «est devenu mondial et continue tous les jours.»