Les États-Unis ont mis lundi leur veto à une résolution de l'ONU condamnant leur reconnaissance de Jérusalem comme capitale d'Israël, en se montrant menaçants à l'égard de leurs 14 partenaires au Conseil de sécurité qui ont voté pour le texte.

Ce vote unanime, y compris de la Russie ou de la Chine, ainsi que de la France et du Royaume-Uni - les deux plus proches alliés européens des États-Unis -, a été dénoncé par l'ambassadrice américaine à l'ONU, Nikki Haley. « C'est une insulte et un camouflet que nous n'oublierons pas », a-t-elle lancé, le regard noir.

La diplomate n'a pas précisé si les États-Unis prendraient des mesures de rétorsion ou pousseraient davantage à une diminution de leur participation au financement de l'ONU dont ils sont les premiers contributeurs.

Présenté par l'Égypte, qui a dénoncé les « graves répercussions » de l'initiative américaine, le texte réclamait que la décision récente du président républicain Donald Trump soit révoquée. La reconnaissance a déclenché la colère des Palestiniens, des manifestations dans le monde musulman et une réprobation quasi unanime de la communauté internationale.

Le statut de Jérusalem « doit être résolu par la négociation », soulignait le texte, évoquant de « profonds regrets concernant les récentes décisions sur Jérusalem », sans toutefois mentionner les États-Unis. « Toute décision ou action visant à altérer le caractère, le statut ou la composition démographique » de Jérusalem « n'a pas de force légale, est nulle et non avenue et doit être révoquée », ajoutait-il.

Bar de l'ONU

Le veto américain a été salué par Israël. « Merci madame l'ambassadrice Haley » et « président Trump », « vous avez allumé une bougie de vérité », « dissipé les ténèbres », a réagi sur Twitter le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou.

Pendant une semaine, la rédaction du texte a donné lieu à d'intenses négociations, y compris lors de réceptions au bar de l'ONU, entre la représentation diplomatique palestinienne, ayant rang d'observateur, et plusieurs pays arabes et européens.

L'objectif était « d'avoir 14 votes pour » face aux États-Unis, ont expliqué à l'AFP des diplomates. Pour cela, certaines ardeurs palestiniennes à un premier texte plus fort datant du 11 décembre, qui citait nommément les États-Unis, ont dû être réfrénées.

Avec ce processus, même sanctionné au final par un veto, il s'agissait aussi de faire pression sur l'administration américaine et ses futures discussions avec les deux parties afin que les droits des Palestiniens soient davantage pris en compte, selon les mêmes sources. Il fallait enfin souligner que les États-Unis bafouaient une série de résolutions sur le conflit au Proche-Orient.

Avant le vote, Nikki Haley avait accusé les Nations unies d'avoir fait « obstacle » à la recherche d'un accord de paix et de « parti pris » en rejetant « la faute sur les Israéliens ». Washington continue de chercher « un accord de paix durable » au Proche-Orient, a-t-elle assuré.

Le 8 décembre, deux jours après l'annonce américaine sur Jérusalem, le Conseil de sécurité avait déjà montré l'isolement des États-Unis lors d'une réunion convoquée en urgence.

Après le Conseil de sécurité, les Palestiniens ont annoncé un prochain scrutin à l'Assemblée générale de l'ONU (193 pays). Il n'y a toutefois pas dans cette enceinte de droit de veto et ses textes sont sans valeur contraignante.

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L'aambassadrice américaine à l'ONU, Nikki Haley

Washington médiateur ? « Fou »

Le texte soumis lundi commençait par un paragraphe rappelant 10 résolutions de l'ONU adoptées entre 1967 et 2016 et affirmant que la question de Jérusalem doit faire partie d'un accord de paix final.

Celle approuvée en 1980, visant la colonisation de territoires, déclare que « toutes les mesures et actions législatives et administratives prises par Israël, puissance occupante, qui visent à modifier le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem n'ont aucune validité juridique ».

Les États-Unis s'étaient alors abstenus, permettant l'adoption du texte.

Pour Paris et Londres, Jérusalem est « une clé » pour la solution à deux États, israélien et palestinien, vivant en paix côte à côte.

« Sans accord sur Jérusalem, il n'y aura pas d'accord de paix », a fait valoir l'ambassadeur français, François Delattre, rappelant le « consensus international » sur « une solution à deux États ». « Les États-Unis continueront à jouer un rôle extrêmement important dans la recherche de la paix au Proche-Orient », a estimé son homologue britannique, Matthew Rycroft.

Il faudrait être « fou » pour laisser les États-Unis jouer à nouveau les médiateurs de paix, a rétorqué le président palestinien Mahmoud Abbas, pour qui les États-Unis sont décrédibilisés dans ce rôle.

Une visite prévue cette semaine au Proche-Orient du vice-président américain Mike Pence a par ailleurs été reportée lundi, officiellement en raison d'une question de politique intérieure.

Comme la Turquie, les Palestiniens ont jugé « inacceptable » le veto américain et affirmé que les États-Unis violaient le droit international. « Notre position est en plein accord avec les résolutions précédentes du Conseil de sécurité », a toutefois affirmé Nikki Haley, en soulignant soutenir « le statut [actuel] des lieux saints » et « la solution à deux États si les deux parties la souhaitent ».

Israël a annexé la partie orientale de Jérusalem, dont elle a pris le contrôle pendant la guerre de 1967, puis voté une loi faisant de la Ville sainte sa capitale « indivisible ». Cette annexion n'a jamais été reconnue par la communauté internationale et les Palestiniens considèrent Jérusalem-Est comme la capitale de leur futur État.

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Manifestation anti-israélienne et anti-américaine dans la bande de Gaza.