Consternée par la décision de l'administration Trump de retirer à 58 000 ressortissants haïtiens le statut temporaire qui leur permet de vivre aux États-Unis, la grande diaspora haïtienne au pays de l'Oncle Sam compte se battre pour faire renverser la vapeur.

« Nous demandons aux personnes touchées de ne pas partir au Canada. Ce serait prématuré. Nous leur disons de rester ici pour se battre », a dit hier à La Presse Marleine Bastien, directrice générale de l'organisation Femmes haïtiennes de Miami.

L'été dernier, craignant de voir leur statut retiré, des milliers d'Haïtiens ont traversé la frontière canadienne et déposé une demande d'asile. Selon les chiffres les plus récents du gouvernement canadien, entre janvier et la fin d'octobre, plus de 15 381 personnes ont été interceptées par la Gendarmerie royale du Canada en entrant de manière illégale sur le territoire québécois.

18 mois pour partir

Lundi soir, les craintes, jusque-là hypothétiques, des migrants visés se sont transformées en réalité. La secrétaire du département de la Sécurité intérieure (Homeland Security), Elaine Duke, a annoncé que les Haïtiens qui bénéficient du « statut de protection temporaire » accordé à ceux qui sont entrés aux États-Unis dans l'année suivant le séisme de janvier 2010 devraient quitter les États-Unis avant le 22 juillet 2019, soit dans 18 mois.

Dans un communiqué de presse, la secrétaire par intérim affirme que les circonstances « qui empêchaient Haïti de gérer adéquatement le retour de ses ressortissants n'existent plus » et que le statut temporaire peut ainsi être révoqué.

Cette évaluation de la situation du pays le plus pauvre des Amériques est loin de faire l'unanimité dans le sud de la Floride, où vivent près de 24 000 personnes visées par l'annonce ainsi que des centaines de milliers d'Haïtiens-Américains.

Plusieurs élus ont réagi sur les réseaux sociaux. « Il n'y a pas de raison de renvoyer 60  000 Haïtiens vers un pays qui ne peut pas les recevoir. Cette décision est déraisonnable », a écrit sur Twitter le sénateur démocrate floridien Bill Nelson.

Des voix se sont aussi élevées au sein des rangs républicains. « J'ai voyagé en Haïti après le séisme de 2010 et après l'ouragan Matthew de 2016. Je peux témoigner personnellement qu'Haïti n'est pas prêt à reprendre près de 60  000 bénéficiaires du statut de protection temporaire dans ces conditions difficiles », a écrit Ileana Ros-Lehtinen, élue républicaine du sud de la Floride siégeant à la Chambre des représentants.

Lors de l'entrevue téléphonique avec La Presse hier, Marleine Bastien affirmait que la coalition d'organisations qui s'opposent à la décision de l'administration Trump sollicite déjà les membres du Congrès pour faire infirmer la décision.

Les Haïtiens visés disposent aussi d'autres recours. Avocat chevronné au Centre de ressources légales pour les immigrants de San Francisco, Mark Silverman conseille à ceux qui perdront leur statut de contester l'ordre de renvoi qu'ils recevront éventuellement devant les tribunaux. Les délais de traitement de ces contestations, ajoute l'avocat, leur donneront une période de grâce de sept à dix ans.

La porte qui se referme

Le Canada peut-il s'attendre à un sauve-qui-peut vers ses frontières dans un avenir rapproché  ? Selon Marleine Bastien, de moins en moins d'Haïtiens pensent que le pays de Justin Trudeau est la réponse à leurs problèmes d'immigration. 

« Le Canada a levé le moratoire sur le renvoi vers Haïti. Aussi, pourquoi les Haïtiens quitteraient un statut qui leur donne des documents légaux aux États-Unis pour aller au Canada sans garantie d'avoir un statut comparable  ? », demandait la militante floridienne, en affirmant que des Haïtiens qui sont récemment arrivés au Québec et réalisent qu'ils n'obtiendront pas facilement une résidence permanente regrettent leur décision. « Nous recevons fréquemment des appels de gens qui sont au Canada et qui veulent revenir aux États-Unis », dit la militante de Floride.

Par ailleurs, des manifestants s'opposant à la décision de l'administration Trump ont protesté hier devant la Maison-Blanche et devant l'hôtel Mar-a-Lago, qui appartient au président.

Photo TIMOTHY A. CLARY, Agence France-Presse

Une manifestation a eu lieu hier à New York contre l'annulation du statut temporaire accordé à quelque 60 000 Haïtiens.

Les pays visés par le « statut protégé temporaire »

• Salvador

• Honduras

• Népal

• Somalie

• Soudan

• Corée du Sud

• Syrie

• Yémen

• Haïti (jusqu'en juillet 2019)