La suppression d'une mesure protégeant de l'expulsion près de 60 000 immigrés haïtiens aux États-Unis a suscité mardi une levée de boucliers d'élus estimant que le pays le plus pauvre de la Caraïbe n'est «pas préparé» pour accueillir cet afflux de population.

Washington a abrogé lundi le Statut de protection temporaire (TPS) accordé aux Haïtiens arrivés aux États-Unis depuis le tremblement de terre dévastateur de 2010, soit 58 557 personnes, estimant que la situation en Haïti ne justifie plus cette protection. Cette mesure ouvre la porte à leur expulsion à partir de juillet 2019.

Le séisme du 12 janvier 2010 a fait plus de 200 000 morts, détruit une grande partie de la capitale Port-au-Prince et déplacé plus d'un million d'habitants. Mais la reconstruction de l'île a été entravée par les ouragans, les turbulences politiques et une épidémie de choléra. 

«Haïti pas préparé» 

Plusieurs élus de Floride, où vivent la moitié des immigrés haïtiens, ont dénoncé la fin du TPS.

«Il n'y a aucune raison de renvoyer 60 000 Haïtiens dans un pays qui ne peut pas les accueillir», a affirmé sur Twitter le sénateur démocrate Bill Nelson.

«Je me suis rendue en Haïti après le séisme de 2010 et après l'ouragan Matthew en 2016. Je peux personnellement attester qu'Haïti n'est pas préparé pour recevoir près de 60 000 bénéficiaires du TPS dans ces conditions difficiles», a également commenté sur Twitter la parlementaire républicaine, Ileana Ros-Lehtinen.

Le sénateur républicain Marco Rubio, ancien candidat aux primaires républicaines face à Donald Trump, a rappelé que les transferts d'argent de la communauté haïtienne contribuaient à hauteur de 25% au PIB de l'île.

Le sénateur démocrate du Maryland Ben Cardin s'est lui inquiété «des effets dévastateurs (de la mesure) sur les familles américaines et haïtiennes», soulignant que 27 000 enfants de nationalité américaine avaient au moins un parent haïtien jouissant du TPS.

La communauté s'est également mobilisée. Près de 300 personnes se sont rassemblées près de Mar-a-Lago, la résidence en Floride du président américain où il doit passer la fête de Thanksgiving.

«Nous nous battons et nous allons continuer à nous battre pour un statut de résident permanent», a dit Myrtha Abraham, bénéficiaire du TPS qui travaille dans un hôtel. «Nous avons une famille, des enfants, une maison, un travail», a affirmé cette mère d'une petite fille de sept ans qui a la nationalité américaine.

À New York, des manifestants ont brandi des pancartes «HereToStay» pour soutenir les bénéficiaires du TPS. «Il y a beaucoup de choses qui peuvent se passer durant les 18 prochains mois. Il y a beaucoup de travail à faire, mais il y a beaucoup d'espoir. Ce n'est pas la fin», a affirmé Jocelyn McCalla, de l'organisation Haitian Americans United for Progress, en référence à la durée du moratoire sur le TPS.

À Port-au-Prince, les autorités s'inquiètent des conséquences de l'abrogation du TPS, alors que le pays digère encore difficilement le retour en 2013 de 200 000 réfugiés de République dominicaine. La porte-parole de la présidence, Tamara Orion, s'est toutefois dite satisfaite par le moratoire qui permettra aux sans-papiers de «mettre à jour leur statut».

Chantage aux subventions

L'administration Trump a déjà supprimé le TPS pour les clandestins originaires du Soudan et du Nicaragua. La menace pèse sur ceux du Honduras et du Salvador, soit environ 350 000 personnes.

Le Canada s'est dit mardi «préparé» à un éventuel afflux de demandeurs d'asile. Depuis le début de l'année, près de 17 000 clandestins ont franchi la frontière canadienne pour y demander l'asile, selon les services de l'immigration.

La lutte contre l'immigration illégale est l'un des chevaux de bataille de Donald Trump, mais plusieurs de ses décisions ont été bloquées par des décisions judiciaires.

Un juge de San Francisco a confirmé lundi la suspension d'un décret présidentiel privant de financements fédéraux les «villes sanctuaires», ces municipalités qui refusent de coopérer avec les services de l'immigration pour arrêter les clandestins.

Le juge William Orrick avait été saisi par la ville de San Francisco et le comté californien de Santa Clara qui dénonçaient un chantage aux subventions fédérales.

La justice a également partiellement suspendu l'application d'un décret présidentiel interdisant l'entrée sur le territoire des ressortissants de plusieurs pays à majorité musulmane, estimant qu'il était discriminatoire.