Les constats d'Hillary Clinton sur la situation des femmes en politique trouvent écho chez les politiciennes d'ici. Mme Clinton sera à Montréal aujourd'hui pour faire la promotion de son plus récent livre, Ça s'est passé comme ça, où elle décrit le chemin parcouru, mais aussi ce qu'il reste à faire pour les femmes dans le monde politique. La Presse a demandé à cinq femmes politiques d'ici de décrire leur réalité, leurs défis et leurs espoirs. Voici leurs témoignages.

VALÉRIE PLANTE

La candidate à la mairie et cheffe du parti Projet Montréal Valérie Plante estime que le manque de modèles féminins en politique québécoise contribue à hausser les attentes à l'égard des femmes dans le domaine. « Le Québec n'a eu qu'une seule femme première ministre dans toute son histoire et moi, je suis seulement la deuxième cheffe de l'opposition officielle qui est une femme », dit Mme Plante. « Et plus on monte dans l'échelle, plus les attentes de la population, de nos collègues, de tout le monde sont grandes envers les femmes, et il n'y en a pas eu beaucoup, donc on doit être parfaite. » Selon elle, le sexisme n'est plus aussi apparent et grossier que dans le passé, mais relève plutôt d'attitudes condescendantes ou paternalistes. Elle donne l'exemple de son adversaire, Denis Coderre, qui selon elle l'associe trop souvent à un collègue masculin lorsqu'il parle d'elle. « Mme Clinton l'a vécu à sa manière [...], mais définitivement dans une course à la mairie, en 2017, on vit encore du paternalisme et de la condescendance. »

MARTINE OUELLET

Martine Ouellet, qui est à la tête du Bloc québécois, connaît elle aussi le « deux poids, deux mesures » quant aux attentes envers les femmes par rapport aux hommes. Par exemple, « un homme qui se fait traiter d'ambitieux, ça n'a pas de connotation négative, mais une femme qui se fait traiter d'ambitieuse, ça, ça a une connotation négative... Le même mot ! », lance-t-elle en faisant référence à un passage du livre d'Hillary Clinton. Elle évoque aussi l'atmosphère des débats à l'Assemblée nationale, où la période des questions « devient beaucoup une joute oratoire, et ça peut être assez agressif ». Les femmes se reconnaissent moins dans une telle atmosphère, dit-elle, et un plus grand nombre de politiciennes pourrait contribuer à changer la donne. « J'ai envie de lancer le message [aux femmes] : osez, plongez en politique. Ça vaut la peine et votre contribution va faire une différence. »

ELSIE LEFEBVRE

L'ancienne députée du Parti québécois a été élue en 2009 comme conseillère municipale de Villeray, et elle était enceinte lorsqu'elle a réalisé que l'hôtel de ville manquait cruellement de ressources pour les mères de famille. « On n'avait même pas l'idée qu'un élu puisse avoir un enfant. C'était presque associé à une maladie. Et on parle de 2009 ! Donc il n'y avait pas de table à langer, il n'y avait pas de disposition particulière à la grossesse... » Elsie Lefebvre a travaillé à faire changer les règles, dont la création de congés parentaux, mais juge qu'il reste beaucoup à faire pour attirer des femmes de tous les horizons et à tous les ordres de gouvernement. « Les grands défis, c'est de transformer la sphère politique en un milieu qui n'est pas fait pour le boys' club », dit celle qui est candidate dans les actuelles élections municipales.

HÉLÈNE DAVID

La ministre québécoise responsable de la Condition féminine, Hélène David, reconnaît la réalité des femmes en politique dans plusieurs des passages du livre de Mme Clinton. « C'est vrai, ce qu'elle dit. C'est vrai, et les plus sévères envers nous-mêmes, je pense que c'est nous-mêmes, les femmes. On se critique facilement. Pas entre nous. Mais on est critiques envers nous-mêmes, personnellement. » Se lancer en politique, pour une femme, « ce n'est jamais sans une petite, moyenne ou grosse crainte, pour toutes sortes de raisons, dit-elle. D'une part, d'accepter que nous sommes au pouvoir, d'accepter de l'exercer face à des hommes aussi qui, eux, l'ont toujours eu. Et de concilier ça avec toutes les autres choses qui nous habitent, évidemment la maternité, les enfants, le sens des responsabilités, la culpabilité, l'estime de soi qui n'est pas aussi gagnée d'avance que bien souvent les hommes. Et donc ça prend très souvent toute une armature. Et plus on est nombreuses, plus ça aide. Vraiment. Vraiment. »

NIKI ASHTON

La députée manitobaine Niki Ashton estime que le sexisme a joué un rôle dans la course à la direction du Nouveau Parti démocratique, où elle était la seule femme parmi les quatre candidats. Mme Ashton a annoncé durant la campagne qu'elle était enceinte de jumeaux et qu'elle accoucherait vers le mois de novembre. « Les nouvelles de ma grossesse, qui était évidemment quelque chose que je voulais partager au niveau personnel, ont reçu plus d'attention médiatique que les politiques audacieuses que nous avons mises de l'avant », déplore-t-elle. De plus, le fait que seulement « 26 % des députés dans notre Parlement sont des femmes démontre qu'il y a plein de barrières auxquelles on fait face », a-t-elle ajouté. « C'est clair que le sexisme joue toujours un rôle assez significatif. » La députée de Churchill-Keewatinook Aski insiste sur l'importance de la parole et de la mobilisation pour contrer la violence et pour promouvoir les droits des femmes.

HILLARY CLINTON

Voici quelques citations du chapitre de son livre qui porte sur les femmes en politique : 

« Impossible de fermer les yeux sur ce fait : le sexisme et la misogynie ont joué un rôle dans l'élection présidentielle de 2016. Preuve en est que le candidat ouvertement sexiste a gagné. »

« Il n'est pas facile d'être une femme en politique. Ceci est un euphémisme. Il arrive même que l'expérience soit horriblement pénible et humiliante. »

« La peur nous accompagne, nous les femmes, tout au long de notre existence. »

« L'émancipation des femmes a mis en branle de vastes changements qui inspirent toutes sortes de sentiments intenses. Nous sommes nombreux à trouver ça enthousiasmant - d'autres en conçoivent une grande colère. »