Un couple d'Américains détenus avec leurs enfants pendant six heures cet été dans un poste-frontière du Vermont après des vacances au Québec fait partie d'un recours collectif contre le Service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis.

Ghassan et Nadia Alasaad, des citoyens américains naturalisés qui habitent au Massachusetts, rentraient chez eux le 12 juillet dernier quand ils ont été détenus au poste-frontière de Highgate Springs, près de l'autoroute 89, et qu'ils ont dû donner les mots de passe de leurs téléphones, ce qui est illégal, allèguent-ils.

Lorsque M. Alasaad a demandé pourquoi sa famille était détenue et fouillée, le superviseur a répondu qu'il en avait « simplement envie », a-t-il relaté.

« Quand la famille a reçu un de ses téléphones 15 jours plus tard par la poste, leur vidéo de l'obtention du diplôme de leur fille avait disparu », a expliqué en entrevue Jessie Rossman, avocate pour l'American Civil Liberties Union (ACLU) à Boston et responsable du dossier.

Durant la détention, des agents de la douane ont saisi les téléphones portables de Ghassan Alasaad, qui travaille comme chauffeur de limousine, et de sa femme Nadia, étudiante en soins infirmiers. Celui du mari n'était pas verrouillé, et le couple a pu voir les agents consulter le téléphone. Celui de Nadia Alasaad était verrouillé. Après cinq heures de détention, les agents lui ont demandé de le déverrouiller.

Elle s'y est opposée. Mme Alasaad porte un voile qui cache ses cheveux en public, et des photos dans son téléphone la représentaient sans voile. De plus, il y avait dans son téléphone des conversations qu'elle avait eues avec sa fille et qu'elle ne voulait pas montrer à des tiers.

« Les agents leur ont dit que s'ils refusaient de leur donner le mot de passe, le téléphone serait confisqué », a dit Mme Rossman.

Un environnement «très coercitif»

Finalement, le couple a fourni le mot de passe aux douaniers. Une de leurs filles faisait de la fièvre et la famille voulait en finir avec la détention pour aller voir un médecin.

« C'était un environnement très coercitif, a dit Mme Rossman. Un autre plaignant dans cette cause a décrit l'atmosphère comme étant celle d'un poste de police. »

« Aucun parent ne devrait avoir à choisir entre préserver ses droits à la vie privée et s'occuper de la santé de son enfant. »

Les Alasaad et les autres plaignants de la cause Alasaad c. Duke allèguent que la fouille des téléphones portables par les agents sans mandat de perquisition viole la Constitution des États-Unis.

« Pour être claire : les plaignants ne disent pas que toute fouille des téléphones portables à la frontière devrait être illégale, dit Mme Rossman. Ils disent que pour que le gouvernement puisse fouiller dans votre téléphone, il doit avoir un mandat de perquisition, donc avoir un motif raisonnable, comme c'est déjà le cas ailleurs sur le territoire américain. »

La Cour suprême a statué que les policiers doivent obtenir un mandat s'ils veulent avoir accès au contenu du téléphone d'une personne, même si celle-ci est mise en état d'arrestation.

« La cour reconnaît que les téléphones contiennent tellement d'informations personnelles qu'ils doivent faire l'objet d'une protection légale particulière. En fait, il est difficile d'imaginer un objet qui contient plus d'information privée que notre téléphone. Pour bien des gens, leur téléphone contient plus d'information privée que n'en contient leur maison. »

D'autres cas

Certains autres plaignants dans cette cause ont aussi été détenus à Highgate Springs, alors que d'autres l'ont été à des points d'entrée différents ainsi que dans des aéroports. Dans un des cas, un ingénieur de la NASA, citoyen américain, s'est fait dire en janvier dernier de donner l'accès à son téléphone portable à son retour au pays à l'aéroport de Houston. L'agent lui a ensuite dit que le contenu de son téléphone avait été fouillé par des « algorithmes ».

En mai dernier, La Presse a rapporté la mésaventure d'une citoyenne française d'origine algérienne qui avait été détenue durant plusieurs heures « humiliantes » avec son mari canadien, et deux autres citoyennes canadiennes, au poste-frontière de Highgate Springs.

Le lendemain, un employé du consulat des États-Unis à Montréal lui avait suggéré « d'éviter de passer par les postes-frontières du Vermont », car des agents y feraient de la discrimination.

PHOTO SIMON GIROUX, ARCHIVES LA PRESSE

La famille Alasaad est restée détenue pendant six heures au poste-frontière de Highgate Springs, près de l'autoroute 89, au Vermont.

15 000

C'est le nombre approximatif de fouilles de téléphones portables effectuées dans les six premiers mois de 2017 par le Service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis. Le rythme de ces fouilles a été multiplié par trois par rapport à 2015, où 8503 fouilles avaient été conclues pour l'année complète, et est en hausse de 50 % par rapport à 2016.

Source : American Civil Liberties Union