Achats d'un maximum de bouteilles d'eau, de pots de beurre d'arachide, de nourriture non périssable, de piles, d'essence et de propane: ceux qui défient les appels à l'évacuation en Floride en raison de l'arrivée prévue du puissant ouragan Irma sont fort occupés vendredi. Des Québécois qui habitent dans les environs de Fort Lauderdale s'apprêtent à vivre avec appréhension leur premier ouragan de cette force.

Le soleil brillait toujours vendredi, mais la tension était palpable.

Des voitures de police surveillaient par moment les rares stations qui ont encore de l'essence, et les autres sont entourées de ruban de sécurité jaune, ou de cellophane, hors d'accès. Les magasins à grande surface étaient bondés en début d'après-midi, mais s'apprêtaient à fermer, comme beaucoup d'autres commerces et restaurants.

Ils étaient nombreux, comme Nancy Teske Wissler et son mari Dean, à installer vendredi de grandes plaques d'acier devant les fenêtres de leur maison qui n'ont pas de volets métalliques intégrés. La femme originaire de Buckingham, au Québec, ne pouvait pas quitter la ville, car elle est infirmière superviseure et doit aller travailler à l'hôpital.

Elle est heureuse d'avoir une piscine: l'eau sera utile pour tirer la chasse d'eau des toilettes. L'installation de lourds panneaux dans une chaleur étouffante l'a essoufflée.

Mme Teske Wissler aurait quitté la ville floridienne d'Hollywood si elle avait pu: «Absolument. C'est un ouragan de catégorie 4, c'est un très gros qui s'en vient».

La plupart de ses amis ont trouvé refuge plus au nord. Avec raison, dit-elle. «C'est très, très dangereux. Les vents vont tout balayer», dit-elle.

Elle s'inquiète pour la montée du niveau de l'eau, venant de la mer. Et aussi de la centrale nucléaire de Florida City, dans le comté de Miami-Dade, située à une centaine de kilomètres au sud de Fort Lauderdale. «J'espère qu'elle va tenir», dit-elle.

La maison d'Audrey Foy, une jeune femme de Laval qui habite désormais à Davie, près d'Hollywood, en Floride, a l'air d'un bunker. Il est difficile de trouver la porte tant les surfaces sont protégées. La femme qui habite depuis 11 ans aux États-Unis se prépare à traverser l'ouragan chez elle, avec son mari et ses deux enfants, un bambin de deux ans et demi et un bébé de trois mois.

Sa table de cuisine est couverte de provisions, de nourriture pour le bébé, d'eau, de lampes de poche. Plusieurs réservoirs de propane reposent par terre. Elle a rentré dans son entrée de maison tous ses meubles de jardin, de même que des roches de son terrassement, pour éviter qu'ils se transforment en projectiles, a-t-elle expliqué.

Elle se dit «très nerveuse», mais ne voulait pas s'en aller à cause des enfants. Plusieurs de ses voisins restent aussi chez eux, et l'entraide a commencé.

«Si je n'avais pas les deux enfants, je serais peut-être un peu plus à l'aise», souffle-t-elle dans son salon très sombre, puisque toutes les fenêtres sont couvertes. Les nouvelles sur l'ouragan Irma passent en boucle à la télé.

Irma pourrait faire des ravages en fin de semaine dans le sud de la Floride.

Plus d'un demi-million de citoyens du comté de Miami-Dade ont reçu l'ordre d'évacuer leur domicile. Dans le comté voisin de Broward, où se trouve Fort Lauderdale, l'ordre d'évacuation obligatoire vise le secteur longeant la mer, soit toutes les résidences qui se trouvent à l'est de l'autoroute 1, de même que tous les hôtels de bord de mer.

Sandra Belzile, elle, a commencé ses préparatifs mardi, non sans difficultés: elle n'a pas réussi ce jour-là à trouver de l'eau, car les magasins étaient déjà en rupture de stock. Elle a ensuite fait la file pendant une heure dans sa voiture, uniquement pour réussir à entrer dans le stationnement du second magasin à grande surface qu'elle a visité. Elle s'est butée à une limite de quatre paquets de bouteilles.

«J'ai très peur. J'ai vraiment peur», dit-elle.

Peur de quoi? «Pour nos vies».

«Mon conjoint a vécu Wilma (un autre ouragan qui a frappé entre autres la Floride en 2005) et ça a vraiment ravagé. Selon son expérience, c'est extrêmement épeurant.»

Mais la jeune femme, qui travaille pour «Le Soleil de la Floride», un journal francophone dans la région, dit être bien préparée pour l'ouragan et ne pas avoir l'intention de mettre le nez dehors pendant le passage de «l'oeil de la tempête».

Si l'une des fenêtres de son condominium de Pompano Beach est protégée par des volets métalliques coulissants, Mme Belzile voulait poser un panneau de bois devant l'autre, ce qui devait être fait vendredi après-midi.

Tout peut devenir un projectile, explique-t-elle: des noix de coco, des branches d'arbres, des tuiles de toit. Même des voitures, ajoute-t-elle, les yeux grands.

«J'ai peur des débris: il y a toujours quelqu'un qui va oublier quelque chose».

La moitié de ses connaissances québécoises ont évacué l'État. L'autre moitié reste. Certains ne peuvent se permettre de fuir, en raison du travail ou parce qu'ils n'en ont pas les moyens, relate-t-elle.

Tous se préparent pour l'ouragan, mais aussi pour ses suites: ils s'attendent à manquer d'électricité pendant des jours, à ne pas être capables de se faire à manger ni de se déplacer si les rues sont bloquées ou inondées.

En guettant les premiers signes d'Irma, ils trouvent l'attente angoissante.

«Après Houston (là où l'ouragan Harvey a récemment frappé), on se sait pas ce qui va se passer», laisse tomber Nancy Teske Wissler.