Donald Trump tranchera mardi sur le sort des «Dreamers» - ces centaines de milliers de jeunes sans-papiers autorisés à rester aux États-Unis - sous la pression de dirigeants d'entreprises et d'élus l'exhortant à ne pas effacer ce programme emblématique d'un trait de plume.

Tiraillé entre sa volonté de se montrer ferme sur l'immigration et son désir d'éviter une levée de boucliers sur un dossier politiquement sensible, le locataire de la Maison-Blanche est conscient que cette annonce donnera la tonalité d'une rentrée qui s'annonce par ailleurs délicate.

Mis en place en 2012, par décret, par son prédécesseur démocrate Barack Obama, le programme Daca (Deferred Action for Childhood Arrivals) avait pour objectif de faire sortir de l'ombre les clandestins arrivés avant l'âge de 16 ans aux États-Unis.

«Nous aimons les Dreamers, nous aimons tout le monde», a déclaré vendredi Donald Trump depuis le Bureau ovale, sans pour autant donner d'indications sur sa décision à venir.

Dans une lettre ouverte, plusieurs dizaines de dirigeants d'entreprise (Amazon, Apple, Facebook, Cisco, eBay, General Motors ou encore Microsoft) l'ont mis en garde contre l'impact économique que pourrait avoir une remise en cause du statut de ces quelque 800 000 personnes qui disposent à ce jour de l'équivalent d'un permis de séjour.

Ce derniers «ont grandi en Amérique, sont enregistrés auprès des autorités américaines, (...) paient des impôts et jouent un rôle actif dans leurs communautés», souligne le courrier des dirigeants d'entreprise.

En cas de retour en arrière, ces jeunes «perdraient la possibilité de travailler légalement dans ce pays et seraient tous menacés d'expulsion», ajoute le texte, soulignant que cela pourrait représenter une perte de 460,3 milliards de dollars pour le PIB américain.

«Promesse»

Les conditions pour bénéficier de Daca étaient notamment d'avoir moins de 31 ans en juin 2012, et d'avoir résidé continuellement dans le pays depuis 2007, sans condamnation grave à son casier judiciaire. Les bénéficiaires reçoivent la garantie qu'ils ne seront pas expulsés, et peuvent travailler légalement.

Le maire démocrate de Chicago, Rahm Emanuel, proche de Barack Obama, a déploré que Donald Trump «menace de bafouer la promesse faite à ces jeunes par le gouvernement américain» qui sont sortie de la clandestinité et ont donné «leur nom, leur adresse et leur numéro de téléphone» aux autorités qui pourraient, si le texte était remis en cause, les utiliser contre eux pour les expulser.

Si nombre de républicains s'étaient opposé à cette initiative de Barack Obama dans laquelle ils voyaient une «amnistie» injustifiée, des voix s'élèvent aujourd'hui au sein du «Grand Old Party» pour mettre en garde contre un retour en arrière pur et simple.

Le président républicain de la Chambre des représentants, Paul Ryan, a exprimé ses réserves vis-à-vis d'une décision présidentielle unilatérale. «Je ne pense pas qu'il devrait faire cela. Je pense qu'il appartient au Congrès de régler ce problème», a-t-il déclaré sur la radio WCLO.

«J'ai la conviction que les décrets sur l'immigration du président Obama étaient anti-constitutionnels mais il serait impensable de supprimer Daca s'en s'assurer que le Congrès offre une solution législative», estimait de son côté Jeb Bush, ancien adversaire de Donald Trump lors des primaires républicaines.

«Avec du coeur»

Mais tous les membre de la famille républicaine ne tirent pas dans le même sens: dix États fédérés contrôlés par les républicains ont donné à l'administration Trump jusqu'au 5 septembre pour supprimer Daca, faute de quoi ils lanceraient une procédure contestant la légalité du programme devant la justice fédérale.

Durant la campagne, Donald Trump s'était engagé à supprimer le programme Daca, mais depuis son arrivée à la Maison-Blanche il a envoyé des signaux contradictoires, insistant en particulier sur sa volonté d'aborder ce dossier «avec coeur».

«Pour moi, c'est l'un des sujets les plus difficiles qui soit», soulignait-il il y a quelques mois. «Car vous avez ces jeunes absolument fantastiques qui ont été amenés ici...C'est un sujet très très difficile»

Selon Fox News, l'exécutif pourrait opter pour un compromis qui laisserait nombre de questions en suspens: ne plus accorder de permis mais ne pas annuler les autorisations existantes, les laissant en place jusqu'à leur date d'expiration, c'est-à-dire au plus tard jusqu'en 2019 pour ceux qui viennent d'en obtenir un.

Le programme Daca

Origine du programme

En juin 2012, pendant sa campagne pour un second mandat présidentiel, Barack Obama annonçait un programme intitulé Daca («Deferred Action for Childhood Arrivals») permettant de régulariser de facto, bien que temporairement, des enfants et jeunes adultes en situation irrégulière, sous certaines conditions.

Décidé sous la forme d'un décret exécutif, Daca a permis à Barack Obama de contourner l'impasse parlementaire sur la réforme du système d'immigration au Congrès, alors à moitié contrôlé par les républicains.

Conditions

Pour en bénéficier, les demandeurs devaient être arrivés avant l'âge de 16 ans aux États-Unis, avoir été âgés de moins de 31 ans au 15 juin 2012, présents continuellement depuis 2007 sur le territoire, et être sans condamnation grave. Ils devaient également être à l'école, posséder un diplôme de l'équivalent du bac, ou avoir été engagé dans l'armée.

Quels droits ?

Les bénéficiaires recevaient l'équivalent d'un permis de séjour d'une validité de deux ans, renouvelable, qui leur permettait de travailler légalement. Les autorités fédérales déclaraient également explicitement que ces bénéficiaires n'étaient pas expulsables pendant la durée. Mais le statut Daca ne donnait droit à aucune régularisation future ni à aucune naturalisation.

Nombre de bénéficiaires

Au 31 mars 2017, environ 800 000 personnes disposaient du statut Daca, selon les services d'immigration et de la citoyenneté (USCIS). Lors de l'année budgétaire 2016 (octobre 2015-septembre 2016), environ 200 000 personnes ont obtenu le statut, pour la première fois ou à la suite d'un renouvellement. Ces permis devaient arriver à échéance dans les 12 prochains mois.