Arthur Gonzalez se tient sous le viaduc d'une autoroute, où des dizaines de gens ont trouvé refuge pendant que la pluie torrentielle tombe sans relâche. Debout avec des membres de sa famille, il regarde nerveusement vers l'eau qui s'étend à perte de vue sur le quartier devant lui. Seuls les toits de quelques voitures dépassent de la rue submergée.

M. Gonzalez a dû évacuer sa maison et s'est réfugié chez des amis, au sec pour l'instant. «Mais je dois retourner chez moi», dit-il.

«Mon fils de 11 ans a le diabète et il reste juste assez d'insuline pour durer jusqu'à demain matin.»

Après avoir atteint la côte ouest du Texas vendredi soir, la tempête tropicale Harvey a frappé Houston et les environs dans la nuit de samedi à dimanche, entraînant dans son sillage des précipitations qualifiées de sans précédent par le service météorologique national et qui ont causé le débordement de la plupart des rivières et bayous.

Plus de 600 mm de pluie sont tombés depuis jeudi. Et tandis que la tempête progresse très lentement - et menace même de retourner vers le golfe du Mexique pour revenir encore plus forte -, le total des précipitations pourrait doubler et atteindre la quantité record de 1250 mm.

Depuis dimanche, au moins une personne a perdu la vie à Houston, en tentant de sortir de son véhicule submergé et des milliers de personnes ont dû être secourues dans la région, dont de larges pans sont inondés, en particulier les routes et les autoroutes, ce qui a pratiquement isolé la quatrième ville en importance des États-Unis.

Les autorités ont recommandé aux citoyens de ne pas conduire, de ne sortir de chez eux que si nécessaire et de monter sur le toit si leur maison devenait trop dangereuse. Sur les réseaux sociaux, une mère a lancé un appel à l'aide disant que l'eau s'apprêtait à l'engloutir avec ses deux enfants et que personne ne répondait au 911.

Chaos sur les routes

Sur l'autoroute sous laquelle M. Gonzalez s'est réfugié, la majorité des sorties ont été fermées en raison des routes impraticables et des dizaines véhicules ont été abandonnés sur l'accotement. Craignant de rester coincés, certains conducteurs décident tout simplement de faire demi-tour et de conduire en sens inverse.

À la radio, les alertes de tornades et de crues soudaines se succèdent à un rythme régulier.

«Je vais sans doute devoir y aller à pied, mais je ne veux pas vraiment le faire... Je pourrais demander aux pompiers», dit le père de famille pendant qu'un camion, sirènes allumées, passe à vive allure sans s'arrêter.

Il y a toujours l'hôpital, mais ils sont difficilement accessibles, et encore : deux établissements de la ville, dont Ben Taub, l'un des plus importants, ont eux-mêmes annoncé dimanche que l'eau les forcerait à évacuer et à relocaliser leurs patients.

AFP

Le quartier des théâtres n'a pas été épargné par les inondations, à Houston.

Sans précédent... et imprévisible

La tempête ne frappe pas tous les Texans et Houstoniens de la même manière : certains ne sont touchés que par la pluie ou les vents, d'autres subissent des inondations mineures, mais se demandent combien de temps encore durera la tempête - et si leurs réserves d'eau et de nourriture seront suffisantes.

À 1h du matin dans la nuit de vendredi à samedi, Andy Oliver et sa femme ont été réveillés par une alerte de tornade sur leur téléphone. Ils se sont précipités au sous-sol, dans la salle de lavage, pendant que le vent arrachait une partie du toit et brisait une demi-douzaine de fenêtres.

Dimanche, ils tentaient tant bien que mal de réparer les dommages, parmi les seuls présents dans le voisinage. «Au moins, je crois que notre quartier n'aura pas d'inondation. Mais c'est la pluie... J'essaie de réparer, et ça continue de rentrer. En haut, il y a des pots et des chaudières partout.»

REUTERS

Des kayakistes se portent au secours d'automobilistes qui se sont retrouvés coincés dans une autoroute submergée de Houston, au Texas.

Refuges

Houston a ouvert son palais des congrès pour accueillir jusqu'à 1000 résidants en détresse, Dallas a fait de même et des refuges de la Croix-Rouge américaine sont établis à plusieurs endroits.

Dans un refuge de la Croix-Rouge ouvert dans la banlieue de Richmond, une pancarte accueille les sinistrés : «Pas d'armes à feu. Pas d'alcool. Pas de drogues.»

Le gymnase du centre religieux est presque vide. «Mais ça va se remplir à partir de demain», croit une bénévole, Elizabeth Ducoff. À quelques kilomètres de là, la puissante rivière Brazos a ouvert un trou béant dans la chaussée.

«C'est du jamais-vu. Et l'eau va continuer à monter. On s'attend à beaucoup de pluie pendant la nuit.»

Lee Etienne, qui a perdu ses deux jambes en 2011, a dû être transporté sur le dos d'un secouriste pour être évacué de sa maison mobile.

Sa maison mobile, située à une trentaine de mètres du cours d'eau, est inondée pour la deuxième fois en autant d'années. Il venait tout juste de finir la réparation du plancher, de la cuisine et de la salle de bains.

«Des assurances? lance sa conjointe, Darleen Love. On est des pauvres Noirs. On n'a pas d'assurances!»

Assis à fumer un cigare, un compagnon d'infortune se demande pour sa part combien de temps encore durera la tempête.

«Quand ce sera terminé, Harvey aura fait plus de dommages que Katrina», prédit-il. En 2005, l'ouragan Katrina a fait plus de 1200 morts. «Peut-être pas en termes de décès. Mais des dommages matériels : je prédis au moins trois fois plus. Ce sera la tempête la plus coûteuse de l'histoire des États-Unis.»

AFP

Le complexe sportif Delco Center, à Austin, s'est transformé en refuge pour les personnes évacuées.