Le président Donald Trump a repris mercredi ses attaques publiques contre son ministre de la Justice Jeff Sessions --la quatrième fois en une semaine-- lui reprochant cette fois de ne pas avoir limogé le directeur par intérim de la police fédérale.

Depuis le 19 juillet, quand M. Trump a brutalement désavoué l'ancien sénateur --un fidèle de la première heure dans la conquête de la Maison-Blanche-- les attaques publiques sur Twitter et ailleurs se sont multipliées.

Le président reproche à Jeff Sessions de s'être récusé dans l'enquête sur l'ingérence de Moscou dans l'élection américaine et les éventuelles complicités au sein de l'équipe Trump.

De fait, M. Sessions n'avait guère le choix. Ce pilier de la campagne de Donald Trump avait omis de rendre publique une rencontre avec l'ambassadeur de Russie à Washington plus tard révélée dans la presse.

Dans son tweet mercredi, le président a aussi érodé un peu plus la traditionnelle indépendance du ministère de la Justice, en se demandant pourquoi le directeur par intérim du FBI Andrew McCabe était toujours en poste.

Le président l'accuse d'être un ami de l'ex-patron du FBI James Comey, qu'il a limogé à cause de l'enquête russe. Et il reproche à l'épouse de M. McCabe d'avoir des liens avec Hillary Clinton, son ancienne rivale à l'élection présidentielle.

M. Sessions s'est rendu à la Maison-Blanche mercredi mais sans rencontrer le président, selon des sources de la Maison-Blanche.

Ces attaques répétées ne sont pas sans risque pour le président, qui n'a pas voulu répondre quand un journaliste lui a demandé pourquoi il ne limogeait pas tout simplement son ministre comme il en a le pourvoir.

En privés, des membres du cabinet se montrent mal à l'aise face au traitement infligé par le président à un fidèle et les anciens collègues de M. Sessions au Sénat ont aussi donné de la voix.

L'attitude du milliardaire apporte aussi de l'eau au moulin de ceux qui l'accusent déjà de vouloir étouffer l'enquête sur l'ingérence russe et de faire obstruction à la justice.

Un nouveau ministre, qui ne serait mêlé ni de près ni de loin à l'affaire russe, pourrait limoger le procureur spécial qui mène l'enquête.

Si M. Sessions continue de refuser de démissionner malgré l'humiliation --comme le laissent entendre ses proches dans la presse--, le président donnera une impression de faiblesse s'il ne le limoge pas.

«Nous arriverons bientôt à un dénouement», avait promis Anthony Scaramucci, le nouveau directeur de la communication de la Maison-Blanche mardi. «Il y a clairement un problème», avait-il ajouté.

Surnoms moqueurs 

Depuis le début de sa campagne présidentielle il y a deux ans, Donald Trump a habitué le public aux surnoms moqueurs pour ses adversaires: «Crooked Hillary» (Hillary-la-crapule) pour sa rivale démocrate Hillary Clinton, «Lying Ted» (Ted-le-menteur) ou «Little Marco» (Petit-Marco) pour ses adversaires aux primaires républicaines, Ted Cruz et Marco Rubio.

Mais l'acharnement contre sa dernière cible, son ministre de la Justice Jeff Sessions, pourtant l'un de ses premiers alliés dans sa course à la Maison-Blanche, est d'un tout autre niveau.

«Le ministre de la justice Jeff Sessions a adopté une posture TRÈS faible sur les crimes de Hillary Clinton», a tweeté Donald Trump mardi matin dans le dernier message d'une salve anti-Sessions.

Si le 45e président des États-Unis ne lui a pas encore attribué de surnom moqueur, il a en revanche multiplié les attaques humiliantes à son encontre depuis la semaine dernière.

«Je suis déçu par le ministre de la Justice», a renchéri M. Trump, lors d'une conférence de presse, mardi, avec le premier ministre libanais Saad Hariri, dans les jardins de la Maison-Blanche.

«Déconcertant»

Donald Trump reproche à M. Sessions de s'être récusé dans l'enquête sur l'ingérence du Kremlin dans l'élection présidentielle, et sur d'éventuelles complicités au sein de son équipe de campagne.

Pour le milliardaire, l'ancien sénateur d'Alabama a failli, puisqu'en se récusant de cette enquête, il n'a pas mis fin à ce que Donald Trump considère comme une «chasse aux sorcières».

«Comment pouvez-vous accepter un poste et ensuite vous récuser ? S'il s'était récusé de lui-même avant de prendre le poste, j'aurais dit "Merci Jeff, mais je ne vais pas vous prendre"», a déclaré Donald Trump dans une édifiante interview accordée au New York Times publiée la semaine dernière.

«C'est extrêmement injuste, et je pèse mes mots, pour le président», a-t-il ajouté pour finir de désavouer son ministre de la Justice, l'un des personnages les plus importants de son gouvernement.

Des critiques virulentes qui ont même surpris les supporters conservateurs du président américain.

«On peut démontrer que Sessions n'avait pas besoin de se récuser. Mais en même temps c'est un peu déconcertant et malvenu de voir Trump s'en prendre de la sorte à un soutien aussi fidèle», a avancé l'influent animateur de radio Rush Limbaugh lundi.

Humiliation «inédite»

Pour Larry Sabato, politologue de l'Université de Virginie, un tel acharnement d'un président contre un membre de son gouvernement est «inédit».

«Cette humiliation publique, cette manière de faire miroiter son licenciement, tout cela est inédit», explique Larry Sabato à l'AFP.

«On n'a jamais vu un président être aussi déloyal avec quelqu'un qui l'a soutenu depuis le début», ajoute-t-il.

Outre cet épisode avec Jeff Sessions, le président américain s'est également fait remarquer lors d'un discours totalement partisan adressé à des milliers de boy-scouts en plein jamboree en Virginie-Occidentale.

Le président s'en est pris à cette occasion aux pourvoyeurs de «fake news», à Barack Obama, Hillary Clinton, et à ses autres cibles habituelles.

«À des boy-scouts, on parle de patriotisme et du drapeau. Et lui de quoi parle-t-il ? Il transforme cela en meeting politique. Ce n'est pas convenable pour un président. Ce sont des enfants, ce n'est pas approprié», regrette Larry Sabato.

«Inapproprié», un mot également utilisé par le sénateur républicain Lindsey Graham, qui a tendu à apporter son soutien à son ancien collègue au Sénat, pour qualifier le tweet de Donald Trump.

Ce dernier avait suggéré que son ministre de la Justice devrait enquêter sur les «crimes» de Hillary Clinton, en écho aux promesses de campagne du candidat républicain qui voulait traduire son adversaire démocrate devant les tribunaux à cause de son usage d'un serveur de messagerie privé quand elle était secrétaire d'État.

«Les poursuites judiciaires doivent être engagées pour faire respecter la loi, et sans aucune motivation politique», a écrit Lindsey Graham dans un communiqué.