Le report de l'examen de la réforme républicaine du système de santé marque une rare manche perdue pour l'homme fort du Sénat américain, le sénateur du Kentucky Mitch McConnell, habile tacticien engagé dans une délicate cohabitation avec le président Donald Trump.

Les talents du chef de la majorité républicaine au Sénat n'ont pas été suffisants pour rassembler son groupe autour d'un texte qui aurait abrogé plusieurs pans d'Obamacare, la loi démocrate sur la santé de 2010. Il a dû reporter son examen en raison de la fronde interne de sénateurs modérés et ultra-conservateurs.

Faire adopter cette réforme est le défi le plus ambitieux de la carrière de ce parlementaire de 75 ans, élu et réélu sans discontinuer depuis 1984. Depuis 2007, il dirige le groupe républicain, devenu majoritaire en 2015, ce qui fait de lui le maître de la chambre haute du Congrès, dont il contrôle entièrement l'ordre du jour.

Bien qu'il ait commencé sa carrière politique comme modéré, il est devenu la bête noire de l'ancien président Barack Obama, lui tenant tête à chaque occasion.

En 2010, il avait même décrit son rôle au Congrès de la façon suivante: «la chose la plus importante que nous voulons faire est que Barack Obama ne fasse qu'un seul mandat».

Après l'adoption d'Obamacare, il avait fait le serment de la supprimer «des branches aux racines». Une promesse qui figurait en tête du programme républicain en 2016, et de celui du candidat Trump.

«McConnell est coincé», analyse le professeur de science politique Stephen Voss, à l'université du Kentucky.

«Les républicains ont fait campagne en promettant de détricoter Obamacare. Le président aussi. McConnell ne peut pas dire: «on a changé d'avis, on ne veut plus le faire». Il est obligé d'essayer», dit-il à l'AFP.

Mais les républicains sont divisés, car Obamacare est appréciée dans de nombreuses régions du pays. Les élus modérés ne veulent pas voter pour priver de couverture maladie des millions d'Américains.

Et Donald Trump, par sa méconnaissance apparente du secteur de la santé et sa relative impopularité, n'a pas été le partenaire capable ramener les frondeurs au bercail républicain.

«Il manque un républicain à la Maison-Blanche capable de rassembler tout le monde», constate Stephen Voss.

«Un cauchemar»

Le texte républicain avait été rédigé en secret par Mitch McConnell et une poignée d'élus dans la confidence. Leur but était d'adoucir la législation adoptée difficilement en mai par la Chambre des représentants.

À l'époque, Donald Trump s'était considérablement impliqué, multipliant les rendez-vous avec les élus. Cette fois, sur le terrain plus délicat du Sénat, il a laissé Mitch McConnell gérer le dossier.

«C'est un cauchemar pour Mitch McConnell», a observé le sénateur démocrate Chris Murphy, sur MSNBC. «Comme un poisson pourri, plus cela reste exposé, plus cela va sentir mauvais».

Mais les démocrates craignent que Mitch McConnell ne profite des prochains jours pour amadouer une partie des neuf sénateurs républicains en opposition (sur 52). Il doit limiter les défections à deux sénateurs.

«Je ne sous-estime jamais le sénateur McConnell», a dit le chef des démocrate, Chuck Schumer, selon Fox News.

Les méthodes de Mitch McConnell ont autrefois fait des merveilles. En 2012, c'est lui qui avait négocié en coulisses un grand compromis budgétaire avec le vice-président démocrate de l'époque, Joe Biden.

Peut-être pour avertir ses troupes, il a déclaré mardi qu'en cas d'impasse, il serait éventuellement obligé de négocier avec les démocrates.

«Soit les républicains s'accordent pour changer le statu quo, soit les marchés d'assurance s'écrouleront et nous devrons discuter avec le sénateur Schumer», a-t-il déclaré.

Bluff ou pas, l'heure de vérité aura lieu durant la semaine du 10 juillet, quand la loi sur la santé, modifiée, est censée revenir à l'ordre du jour.