Moins d'impôts pour plus de croissance: bien avant Donald Trump, le Kansas a testé cette recette pour raviver son économie mais doit aujourd'hui faire machine arrière face à l'échec d'une stratégie chère au président américain.

C'est en 2012 que le gouverneur de cet État ultra-conservateur du Midwest, le républicain Sam Brownback, commence à administrer ce qu'il appelle «une piqure d'adrénaline dans le coeur de l'économie» locale, dominée par l'agriculture et l'aéronautique.

Sa thérapie de choc ressemble à bien à des égards à celle que M. Trump envisage aujourd'hui pour dynamiser l'économie américaine: une réduction de l'impôt local sur les hauts revenus, de 6,4% à 4,9%, et la suppression pure et simple des taxes sur les bénéfices de certaines petites entreprises, notamment des auto-entrepreneurs.

«Cela (...) contribuera à faire de l'État le meilleur endroit en Amérique pour créer et développer une petite entreprise», assure alors M. Brownback.

Cinq ans plus tard, les résultats ne sont pas au rendez-vous. La croissance de l'économie du Kansas a été divisée par trois depuis 2012, à 1%, bien en deçà de la moyenne nationale, selon l'antenne locale de la banque centrale (Fed).

Parallèlement, les pertes de recettes fiscales n'ont pas été compensées par un surcroît d'activité, créant un fossé budgétaire de quelque 900 millions de dollars sur les deux prochaines années.

«Les pertes de recettes ont été bien plus importantes que prévu parce que beaucoup de salariés se sont placés sous le régime des travailleurs indépendants», totalement exonéré d'impôts, affirme à l'AFP Alan Cole, expert au centre indépendant de la Tax Foundation.

Résultat: le Kansas peine de plus en plus à garantir les services de base à ses quelque 3 millions d'administrés.

En mars, la Cour Suprême de l'État a ainsi jugé que le financement du système éducatif local n'était pas «raisonnablement calibré» pour permettre aux administrés de bénéficier des «standards minimum constitutionnels».

«Désastre»

«Ce plan était un désastre absolu et a provoqué de la destruction économique», affirme à l'AFP Jim Ward, chef de file de l'opposition démocrate à la Chambre des représentants du Kansas, l'une des deux chambres du Congrès local.

Le désaveu n'est toutefois pas venu des seuls rangs de l'opposition. Ultra-majoritaire au Congrès local, le camp républicain, qui avait pourtant approuvé les plans du gouverneur en 2012, a voté une loi prévoyant une hausse d'impôts de 1,2 milliard de dollars sur deux ans après avoir laissé des plumes dans les élections de 2016.

Signe de leur détermination, les élus républicains sont allés la semaine dernière jusqu'à passer outre le veto opposé à cette loi par le gouverneur, pourtant issu de leurs rangs.

Désavoué, M. Brownback a aussitôt déploré une «mauvaise décision sur le long terme pour le Kansas et pour la croissance». Sollicité par l'AFP, il n'a pas donné suite.

Même des partisans de baisses d'impôts au Kansas peinent à le défendre. «C'était une bonne idée mais cela a été très mal mis en oeuvre», assure à l'AFP Dave Trabert, expert au Kansas Policy Institute, un think tank qui défend la «liberté» économique et les lois du marché.

«Il y eu des succès mais le gouverneur a fait l'erreur classique de trop promettre et de tomber dans une forme d'exubérance politique», poursuit-il. «"Une piqure d'adrénaline?" Non, ce n'est pas comme ça que l'économie fonctionne».

La mise en garde pourrait aujourd'hui résonner au-delà des frontières du Kansas et notamment à Washington où M. Trump promet de doubler la croissance économique en réduisant de 20 points l'impôt sur les sociétés et en limitant celui payé par les riches contribuables.

Certains élus républicains au Congrès américain, allergiques au déficit, doutent que cette vaste réforme encore en chantier puisse se financer par elle-même, comme l'assure l'administration Trump, grâce au surcroît de croissance qu'elle génèrerait.

«C'est une illusion de penser que vous pouvez obtenir plus de recettes simplement en taillant les impôts», assure Charles Wheelan, chercheur à l'université de Dartmouth. «Vous ne pouvez pas manger de la glace et espérer perdre du poids».