Le président des États-Unis Donald Trump a publiquement intimé l'ex-directeur du FBI James Comey de ne pas parler à la presse sur les circonstances confuses de son limogeage, un événement rarissime qui continue de semer le trouble à Washington.

Depuis qu'il a congédié le premier policier des États-Unis, mardi soir, le dirigeant républicain n'a rien fait pour rassurer ses critiques qui craignent une tentative d'intimidation ou de déstabilisation de la police fédérale et, plus généralement, de la Justice, dont le FBI dépend.

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« James Comey ferait bien d'espérer qu'il n'existe pas "d'enregistrements'' de nos conversations avant qu'il ne commence à faire des révélations à la presse ! », a tweeté M. Trump vendredi matin.

Le tweet ressemble à une menace et a rappelé le système mis en place par le président Richard Nixon (1969-1974), qui enregistrait ses conversations téléphoniques et dans le Bureau ovale à l'insu de ses interlocuteurs, une manie qui se retourna contre lui dans le scandale du Watergate.

« Le président doit donner tout enregistrement immédiatement au Congrès ou reconnaître, une nouvelle fois, qu'il a délibérément fait une déclaration erronée, ou dans ce cas menaçante », a réagi l'élu démocrate Adam Schiff.

Enregistrements: Sean Spicer élude la question

Le porte-parole de la Maison-Blanche a refusé vendredi d'exclure la possibilité que Donald Trump enregistre ses conversations dans le Bureau ovale.

Interrogé sur la signification exacte de ce tweet, Sean Spicer a refusé de donner la moindre explication: «Le président n'a rien d'autre à ajouter», a-t-il déclaré à plusieurs reprises.

«Ce n'est pas une menace. Il a seulement mis en en avant des faits. Le tweet parle de lui-même», a-t-il encore dit.

«Oui ou non, le président des États-Unis enregistre-t-il les conversations qui ont lieu dans le Bureau ovale ?», a insisté un journaliste. «Le président n'a pas d'autre commentaire à faire», a éludé son porte-parole.

Pourquoi des enregistrements seraient-ils gênants pour l'ex-directeur?

M. Trump a affirmé jeudi que l'ex-premier policier américain lui avait assuré qu'il n'était visé par aucune enquête, une assertion qui détonne avec la réserve attendue d'un chef du FBI et laisse ses amis incrédules.

Des proches de M. Comey ont confié au New York Times, au contraire, que Donald Trump lui aurait demandé de lui promettre sa «loyauté», ce qu'il aurait refusé. La Maison-Blanche conteste cette version.

Dans la presse américaine, de très nombreuses sources anonymes au sein de la Maison-Blanche et de l'administration ont décrit la confusion et la tension des derniers jours, la version officielle du limogeage ayant changé pour devenir de plus en plus personnelle.

Ces fuites sont constantes depuis l'arrivée au pouvoir du milliardaire, qui s'en plaint publiquement.

Initialement, la raison officielle donnée au limogeage était le comportement de James Comey durant la fin de l'enquête sur les courriels d'Hillary Clinton en 2016. Il lui était reproché d'avoir fait une conférence de presse puis d'avoir annoncé une relance des investigations quelques jours avant l'élection présidentielle.

La Maison-Blanche assurait que le limogeage n'avait rien à voir avec l'enquête en cours du FBI sur une éventuelle collusion entre des membres de l'équipe de campagne de Donald Trump et la Russie.

Comey silencieux

Mais le milliardaire a mis les pieds dans le plat en disant à NBC, jeudi : « En fait quand je me suis décidé, je me suis dit : ''Ce truc avec la Russie, Trump et la Russie, c'est une histoire inventée'' ».

Depuis des mois, le président républicain est furieux que son nom soit cité dans cette enquête, martèle qu'il n'y a aucune preuve de collusion, et accuse les médias d'entretenir artificiellement l'affaire au lieu de couvrir ses décisions économiques ou sécuritaires.

Il a même enfreint l'usage en demandant directement à James Comey, lors de conversations téléphoniques selon lui, de lui confirmer qu'il n'était pas ciblé par les investigations, ce que le haut policier lui aurait confirmé.

Le degré de colère du 45e président américain était perceptible dans la tirade de six tweets matinaux vendredi. « Les faux médias font des heures supplémentaires aujourd'hui ! » a-t-il écrit.

« À nouveau, l'histoire de collusion entre les Russes et la campagne Trump a été inventée par les démocrates comme un prétexte pour justifier leur défaite à l'élection », écrit-il encore.

PHOTO Carolyn Kaster, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

L'ancien directeur du FBI James Comey

Le président républicain introduit de la confusion entre les différents volets de l'enquête. Le FBI enquête non seulement sur une éventuelle collusion, mais aussi plus généralement sur les piratages russes durant la campagne.

La réalité de ces ingérences ne fait pas de doute : les six plus hauts responsables du renseignement américain, dont deux ont été nommés par Donald Trump, ont réaffirmé jeudi que la Russie avait bien tenté d'influencer les élections américaines. Le chef par intérim du FBI, Andrew McCabe, a déclaré jeudi que l'enquête russe était de la plus haute importance.

Pour l'instant, la digue républicaine tient au Congrès, où l'opposition démocrate reste isolée dans son appel à la nomination d'un procureur spécial pour assurer l'indépendance de l'enquête.

Mais des dizaines de républicains ont fait part de leur malaise, critiqué le ton du président, défendu l'ex-directeur du FBI voire appelé à la création d'une commission d'enquête indépendante sur la Russie.

Quant à M. Comey, il ne s'est pas exprimé publiquement depuis son éviction. Il a été invité à s'expliquer au Sénat mardi prochain mais, s'il accepte, la rencontre aura lieu à huis clos.

Les candidats

Par ailleurs, des responsables du département de la Justice doivent rencontrer samedi quatre candidats potentiels à la succession de M. Comey.

Parmi ceux-ci se trouverait le directeur par intérim du FBI, Andrew McCabe.

Deux personnes qui sont au courant du processus de sélection ont affirmé qu'Alice Fisher, qui a déjà été assistante au procureur général pour la division criminelle du département de la Justice, est aussi du lot.

Ce serait aussi le cas de Michael J. Garcia, un juge associé pour le tribunal le plus haut de New York, ainsi que du sénateur John Cornyn, un ex-procureur général du Texas.