La chaîne de télévision Fox News a renoncé mercredi à son présentateur vedette accusé de harcèlement sexuel, la famille Murdoch qui la détient craignant visiblement d'écorner son image et de perdre des annonceurs.

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Bill O'Reilly et son émission quotidienne à 20h00, The O'Reilly Factor, était pourtant la valeur sûre de cette chaîne créée en 1996, et qui n'a cessé de progresser avec la montée des valeurs conservatrices et de Donald Trump. O'Reilly l'avait interviewé plusieurs fois et passait pour son ami.

Son émission, lancée dès 1996, battait depuis des années des records d'audience, avec 3,98 millions de téléspectateurs en moyenne au premier trimestre 2017.

Le présentateur rapportait ainsi à la maison mère, 21st Century Fox, des millions de recettes publicitaires - 297 millions entre janvier 2015 et septembre 2016, selon les chiffres de Kantar Media.

Mais malgré les nouveaux succès enregistrés depuis l'élection de Donald Trump en novembre, les choses ont tourné au vinaigre début avril : le New York Times a alors révélé que O'Reilly et Fox avaient versé quelque 13 millions de dollars à cinq femmes moyennant leur silence et leur renoncement à des poursuites contre lui pour harcèlement sexuel.

Ce alors que la chaîne avait déjà été éclaboussée par un scandale de harcèlement sexuel et s'était engagée à changer de culture.

Son ancien PDG et fondateur Roger Ailes avait été acculé à la démission en juillet 2016, après avoir lui aussi été accusé de harcèlement sexuel par une ancienne présentatrice, Gretchen Carlson.

Chute du héros

Cela n'a pas empêché Donald Trump, lui-même visé par de pareilles accusations pendant la campagne, de prendre la défense de O'Reilly.

«C'est un homme bien», avait-il déclaré après l'article du New York Times. «Je pense qu'il n'a rien fait de mal».

Si les téléspectateurs ont continué à regarder son émission par millions, beaucoup d'annonceurs ont commencé à quitter le navire, comme Mercedes-Benz, BMW ou le groupe pharmaceutique français Sanofi, qui avaient suspendu la diffusion de leurs pubs.

La famille Murdoch n'a pourtant pas sacrifié immédiatement son poulain. Fox s'est d'abord contentée de son départ en vacances, en Italie, indiquant qu'il reprendrait son émission le 24 avril.

Ironie du sort, M. O'Reilly était encore photographié mercredi serrant la main du pape, selon le quotidien du Vatican, l'Osservatore Romano.

Mais la pression n'a cessé de monter et New York Magazine, une référence sur ce dossier, a le premier annoncé que les Murdoch s'étaient résolus à le laisser partir, seules les modalités restant à négocier.

Un bref communiqué de Fox est tombé juste après, confirmant la chute du héros.

«Après un examen exhaustif des accusations, la société et Bill O'Reilly se sont mis d'accord pour que Bill O'Reilly ne revienne pas à Fox News», a annoncé la chaîne.

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Bill O'Reilly a serré la main du pape François, mercredi sur la place Saint-Pierre.

«C'est de le business» 

Fox, qui devait tenir un conseil d'administration jeudi, n'a pas précisé quel montant pourrait lui être versé. C'est le libertarien Tucker Carlson, nouveau-venu à Fox, qui reprendra sa case horaire. 

Bill O'Reilly avait signé récemment un nouveau contrat pluriannuel avec Fox, d'une valeur de plus de 20 millions de dollars par an.

Le présentateur n'a jamais démenti l'existence d'allégations de harcèlement sexuel, mais leur avait nié tout fondement.

Il avait affirmé que sa notoriété le rendait «vulnérable à des poursuites par des individus qui veulent de l'argent pour éviter toute publicité négative».

La chaîne n'a pas non plus détaillé quelles raisons l'avaient finalement poussée à s'en séparer.

Selon plusieurs médias américains, James Murdoch, 44 ans, fils du magnat australien Rupert Murdoch, 86 ans, aurait convaincu son père de la nécessité de le renvoyer pour éviter de ternir l'image de la chaîne, témoignant peut-être d'une différence entre générations face au harcèlement sexuel.

Pour Paul Janensch, ex-professeur de journalisme à l'institut Quinnipiac University, c'est probablement une simple décision de gestionnaire.

La télévision, «c'est de la business : si la sanction (des annonceurs) devait affecter les bénéfices, il fallait qu'il parte», a-t-il expliqué.

Jane Hall, experte en communications à l'American University et ancienne contributrice à Fox News, a estimé que Fox, en tant qu'entreprise internationale, «ne pouvait pas se permettre d'être associée» à des accusations de harcèlement sexuel. Surtout à un moment où le groupe attend le feu vert des autorités britanniques pour racheter la totalité des parts de la chaîne Sky.

Pour elle, le départ d'une vedette aussi rentable pour sa chaîne marque «un moment culturel important» dans la lutte contre le harcèlement sexuel, dans les médias comme dans la société en général.

Accusations «infondées»

Fox, qui devait tenir un conseil d'administration jeudi, n'a pas précisé quel montant pourrait lui être versé ni qui le remplacerait sur le créneau-clé du 20 heures. Bill O'Reilly avait signé récemment un nouveau contrat avec la chaîne pour plus de 20 millions de dollars US par an.

Le présentateur a démenti à nouveau mercredi toutes les allégations. «Il est profondément décourageant que nous nous séparions pour des affirmations complètement infondées», a-t-il déclaré dans un communiqué.

Il avait auparavant affirmé que sa notoriété le rendait «vulnérable à des poursuites par des individus qui veulent de l'argent pour éviter toute publicité négative».

Fox n'a pas détaillé les raisons qui l'ont poussée à se séparer de lui.

REUTERS

Des manifestants ont exigé le congédiement de Bill O'Reilly devant les bureaux de News Corp, mardi, à New York.