Confortée par une baisse du nombre de candidats à l'immigration à la frontière mexicaine, l'administration Trump a renforcé ses moyens pour traquer les clandestins, jusqu'à ordonner de les arrêter dans les villes ou les lieux ayant délibérément choisi de les protéger.

Policiers, procureurs et juges ont reçu l'ordre de sévir en interpellant et en jugeant tous les immigrants n'ayant pas les papiers requis.

Les critères de recrutement des agents de l'immigration ont été en assouplis pour grossir les rangs de ceux qui mettent en oeuvre ces politiques. La construction de bâtiments pour la détention des clandestins a été engagée et davantage de juges ont été nommés.

Les autorités ont été également priées de retrouver les clandestins qui habitent aux États-Unis depuis des décennies, y compris ceux qui se trouvent dans des lieux qualifiés par leurs défenseurs de « sanctuaires » : tribunaux, mairies ou villes, souvent démocrates, qui ne cachent pas leur désaccord avec les politiques d'immigration de Donald Trump.

Des plans sont élaborés en outre pour définir les contours du fameux « mur » promis par Donald Trump à la frontière mexicaine. Il n'y aura pas de barrière physique le long des 3200 kilomètres qui séparent les deux pays mais plutôt une alternance de pans de murs aux endroits stratégiques et de systèmes de surveillance électronique.

« À ceux qui continuent à chercher à entrer illégalement ou à tort dans notre pays, soyez prévenus : une nouvelle ère s'ouvre. L'ère Trump », a prévenu mardi le ministre de la Justice Jeff Sessions devant des agents des frontières.

Dissuasif

Donald Trump a promis d'expulser les quelque 11,1 millions de clandestins qui vivent actuellement aux États-Unis et qui, selon lui, volent des emplois et alimentent la criminalité.

La plupart viennent du Mexique, et beaucoup d'entre eux vivent depuis des années aux États-Unis, où ils ont fondé une famille, sont propriétaires de leur maison ou ont créé une entreprise.

Trois mois après l'entrée en fonctions du nouveau président, le nombre de clandestins interpellés à la frontière a plongé au plus bas depuis quatre décennies, selon le service des douanes et de protection des frontières (Customs and Border Patrol, CPB). En mars, 16 600 personnes ont été arrêtées, un chiffre en baisse de 64 % par rapport à il y a un an.

L'administration Trump s'est réjouie de cette baisse, qui illustre selon elle l'aspect dissuasif de sa politique anti-immigration.

Il est cependant trop tôt pour savoir si les expulsions ont augmenté et si elles atteignent le niveau atteint avec l'ancien président Barack Obama, qui avait été un temps surnommé « l'expulseur en chef » par les associations de défense des immigrés.

Tom Jawetz, vice-président chargé de l'immigration au centre de réflexion Center for American Progress, affirme qu'il y a eu clairement un changement de politique.

« Ce que l'on sait de l'expérience des autorités à Houston, à Los Angeles, El Paso et ailleurs, c'est que les gens ne rapportent plus les activités criminelles comme ils le faisaient et ne coopèrent plus avec les procureurs pour mettre les criminels derrière les barreaux », affirme-t-il.

Le secrétaire à la Justice Jeff Sessions a ordonné cette semaine aux douanes (CPB) et aux services d'immigration (Immigration and Customs Enforcement, ICE) d'interpeller quiconque traversait la frontière sans papiers et de présenter immédiatement cette personne à la justice.

Auparavant, la plupart des clandestins interpellés étaient reconduits de l'autre côté de la frontière.

Il a aussi ordonné aux procureurs de les inculper pour délit s'ils sont repris une seconde fois et d'emprisonner ceux qui transportent ou hébergent des clandestins, ainsi que ceux qui présentent des faux papiers.

« Bénéfices » de l'immigration

Le secrétaire à la Sécurité intérieure John Kelly a aussi autorisé ses agents à chercher les clandestins jusque dans les locaux où ils postulent à un permis de conduire, voire à des rendez-vous prévus pour légaliser leur situation.

La ministre de la Justice de Californie Tani Cantil-Sakauye a protesté auprès de MM. Sessions et Kelly, accusant les agents de l'immigration de « traquer » des gens qui ne « présentent aucun danger pour la sécurité publique ».

Donald Trump a aussi ordonné à ses services de sévir en matière d'immigration légale.

Il a pris un décret, actuellement bloqué par la justice, qui interdit temporairement l'entrée aux États-Unis des réfugiés et de ressortissants de six pays à majorité musulmane.

MM. Sessions et Kelly ont prévenu de leur côté qu'ils allaient punir tout abus des entreprises technologiques utilisant des visas H-1B pour faire venir de la main-d'oeuvre qualifiée.

Pourtant « les bénéfices que l'immigration apporte à la société sont largement supérieurs à leurs coûts », ont souligné quelque 1500 économistes démocrates et républicains, dont six lauréats de prix Nobel, dans une lettre à M. Trump publiée mercredi.

En outre, beaucoup d'immigrants sont « des gens qui demandent l'asile et ne peuvent pas ou ne devraient pas être poursuivis », ajoute Tom Jawetz.